LES MOTS NE SONT PAS NEUTRES
A la suite de vives et intéressantes discussions entre les membres du Groupe OSHAM (Organisation Sauver Haïti-Sauver le Monde), lors de nos rencontres statutaires, je suis rentré tranquillement comme d’habitude dans ma ‘’Kalabousse’’ (retraite intime) pour faire le point. C’est ainsi que je suis parvenu à cette conclusion audacieuse : ‘’Les mots ne sont pas neutres et l’être humain est souvent le produit de son éducation’’. En dépit de nos origines africaines, nous sommes les produits d’une éducation occidentale que moi-même j’ai qualifiée de ‘’Saine Prostitution’’ dans un poème inédit :
J’ai les pieds en Afrique et la caboche en France.
On m’apprit le respect du dollar tout-puissant.
On me força d’aimer d’illustres inconnus.
On m’apprit à penser autrement que je suis…
Je suis un étranger au pays de mes pères
Et j’ignore les vrais mots pour parler à mes frères…
Il convient de souligner que les échanges portaient principalement sur la Problématique haïtienne engouffrée dangereusement dans cette politique néocolonialiste des Puissances occidentales. L’un des aspects le plus dégoûtant de cette Politique est la volonté expresse des dirigeants de réduire par tous les moyens la population mondiale en général, et les citoyens des communautés d’afrodescendants en particulier. Les prétextes farfelus évoqués pour une telle démarche sont souvent d’ordre sanitaire et économique.
Par ailleurs, l’un des analystes politiques les plus virulents de ces stratégies modernes du Monde capitaliste, le Docteur Jean Fils-Aimé, fait souvent référence à la ‘’tactique épistémicide’’ utilisée savamment pour dominer ou détruire des peuples colonisés, en les attaquant dans leurs références fondamentales : culture et spiritualité.
Le Professeur Kalala Omotundé affirmait, de son côté :
Éviter de se définir par rapport à l’autre : Escroquerie intellectuelle.La maison du maître (colon) ne peut pas représenter un patrimoine pour les afro descendants. Il faut faire une rupture épistémologique ; les mots de l’autre sont piégés. Le bourreau et la victime peuvent-ils avoir le même vocabulaire ?
Il est indéniable que les mots et le langage ont leurs propres histoires ; ils charrient dans leur sein tout un lot de ressentis divers dont seuls les détenteurs en connaissent la mesure. Aussi, il est fort sage de rechercher et de bien comprendre le sens profond et la portée de toute expression verbale pour éviter d’en faire un usage abusif. C’est ainsi que certains vocables couramment utilisés peuvent déclencher des réactions divergentes, en fonction du vécu de chacun.
En effet, bon nombre de termes relatifs à des fondamentaux de l’existence humaine ont fait l’objet et suscitent encore de grands débats. Liberté, Égalité, Humanité, Divinité, Éternité, Démocratie, Droits humains, Autodétermination des Peuples, le Féminisme, la Spiritualité, la Politique,Tradition, Civilisation, tous ces mots et leurs corollaires sont et demeurent des questionnements permanents pour toute intelligence soucieuse de vérité. Au delà des mots, tout un monde subsiste; mon poème, ''Saine Prostitution" précédemmment évoqué l'atteste clairement. Lisez:
Le mot ‘’civilisé’’ ne m’inspire que mépris,
Car je vis dans mon âme au travers de mon corps
Les morsures profondes des civilisations.
Je rends hommage à mes collègues, jongleurs émérites de la pensée, avec qui, par le biais du vocabulaire d’autrui, je m’efforce à faire jaillir de notre brouhaha sociopolitique, une vraie vision haïtienne pour une gestion authentique de notre réalité contemporaine extrêmement complexe.
GTG, février 2024