La politique et la religion sont deux portes largement ouvertes vers un univers nébuleux, où l'humain démontre sa pleine potentialité en ce qu'il possède de plus noble et en même temps de plus diabolique. Tout auréolé de l'enthousiasme et de la fougue propres à la jeunesse, Max Bourjolly, un militant communiste au grand cœur, avait franchi l'une de ces portes, à la recherche de deux splendides idéaux : la liberté et la justice. Il en est ressorti des décennies plus tard éminemment grandi, meurtri dans sa chair, mais l’esprit alerte. Les multiples cicatrices intérieures de ses années d’exil et de prison, le hanteront peut-être jusqu'à la fin de ses jours.
Les monstres qu'il a eu à affronter à travers mille combats, portent à croire que certains humains sont pires que des bêtes sauvages. Aucune conscience. Aucune humanité. Ce sont de véritables instruments pervers, nés pour le mal, qui semblent être manipulés avec dextérité par des esprits maléfiques. Leurs victimes vivent ici-bas tous les tourments de l'enfer, sans passer par la mort. Dans sa quête éperdue de cette justice et de cette liberté, cet intrépide militant a fini par mesurer toute la profondeur de l'injustice et de la cruauté humaine. Max Bourjolly projette l'image de ces héros mythiques, qui portent sur leurs épaules le merveilleux symbole de la conscience humaine: les Che Guevara, les Nelson Mandela et j'en passe. Tous ceux qui ont combattu pour les autres dans la plus sincère abnégation, au péril même de leur vie.
Aujourd'hui, d'autres monstrueux personnages ont pris la relève des sinistres sbires des Duvalier. Toutes les couches sociales d’Haïti sont frappées d'une façon inédite en toute impunité : les rançons, et des meurtres crapuleux ; alors que le pays continue à sombrer lentement, mais surement, dans sa descente aux enfers. Max Bourjolly, perplexe, peut se demander peut-être : Mon douloureux combat, a-t-il été vain ? Eh bien, la réponse, c'est non ! Se battre pour des idéaux qui font honneur à la race humaine, n'est jamais inutile et vain. Les semences enfouies prendront racines un jour. Alors les plantes s'élèveront pour s'élancer vers la pleine lumière pour fleurir et produire des fruits. Les 500.000 ouvrages distribués, contribuent déjà à préparer la voie dans les esprits. C'est une certitude. La connaissance éclaire. Et les livres sont des outils efficaces pour orienter l'esprit vers "des lendemains qui chantent."
Max Bourjolly doit se féliciter d'un fait essentiel. Même si le résultat escompté n'est pas au rendez-vous après tous ses sacrifices, mais au moins, il est encore vivant pour témoigner des horreurs d'une page de l'histoire d'Haïti particulièrement macabre. C'est une démonstration éloquente que le mal n'a pas toujours le dernier mot sur le bien. Les héros de sa trempe ne vivent pas longtemps. Ils sont toujours rapidement broyés par le système de répression mis en place. Certains diront de lui qu'il a tout simplement bénéficié d'une chance inouïe. Quant aux croyants, ils pourront répliquer plutôt que cet homme est un véritable miraculé qui a été arraché des griffes de la mort par une action divine.
Quoi qu'il en soit, pour ce surprenant survivant des hécatombes duvaliéristes, chaque jour doit être vécu comme un mets délicieux que l'on déguste à petites bouchées, même si l'on est affamé. Que les nuages des grandes tourmentes du passé, ne viennent pas assombrir le ciel d'un présent lumineux, si rempli de somptueuses promesses.
Prof. Gérard Gène