J'AI PEUR.
Déjà l’orage gronde au sein de Babylone.
Au Carrefour de l’inéluctable,
A l’aube des mutations,
Le vent d’Apocalypse va souffler sur mon île...
‘’Ils sont venus, dit le Poète
Ils sont venus avec la Pioche,
Ils sont venus avec la Croix’’.
Ils ont couché mon peuple dans l’indicible nuit
Et labouré son sein de leurs mains criminelles.
L’Europe et l’Afrika, dans le lit Caraïbe,
Ont alors copulé, et sans ménagement,
Sous le regard envieux de l’Amérique naissant.
Produit dénaturé d’un viol à ciel ouvert,
J’ai souvent oublié de savoir qui j’étais
Pour quémander l’obole de ma propre pièce,
Et devenir du Lion misérable valet.
J’AI PEUR.
Du fond de mes entrailles
Je l’ai sentie monter cette peur dégoûtante
Qui coagule ma vie et ma force d’aimer.
Pour pouvoir subsister dans ma propre demeure
Et aimer simplement mon foyer et mes frères,
Je suis bien acculé au devoir de haïr.
Ils m’ont fermé ces paumes
Que j’ai toujours tendues ouvertes à l’amitié.
Naïf et bon enfant,
Mon cœur n’était pas fait pour ce dilemme étrange.
J’AI PEUR.
Je suis fatigué de mourir.
Ils viennent de partout gémir à mon chevet ;
La Perle des Antilles n’est plus ce qu’elle était.
Men, jou va, jou vyen, jou kondanasyon !
Twa fèy, twa rasin o !
Jou fèy tonbe nan dlo,
Se pa jou li pouri.
GTG/ février 2024