Haïti, Quisqueya ou Bohio.
Pour le Pays pour les Ancêtres
Cette fraction nôtre de l’île est inexploitée. Pourtant, c’est peut-être la meilleure tranche d’un gâteau providentiel.
Je perçois une terre reboisée, luxuriante comme autrefois. “Et le pays redeviendra vert”, disait feu le docteur Beauvoir Edmond, arrière-arrière-petit-fils de Jean-Jacques Dessalines.
J’entrevois nos montagnes percées de tunnels modernes, comme en Norvège, tout le littoral, de Fort Liberté à Tiburon, de Tiburon à Anse-à-Pitre (sans oublier la Baie-de-Henne), où se retrouvent aménagés et reliés par des routes bien tracées et bien entretenues, des town-houses et des auberges accueillant des touristes friands de nos spectaculaires et “exotiques” couchers de soleil et succulents plats de fruits de mer. Les eaux profondes de la Baie de Haine l’ont fait déjà pressentir comme un excellent shipyard (pour l’entretien et la construction des gros bateaux). Je vois les habitants des îles adjacentes (Cayemites, par exemple), se faire les champions d’une prospère et digne d’envie industrie de la pêche. Je vois l’industrie du marbre (marbre rare, marbre noir, comme l’échantillon donné en cadeau aux Clinton), devenir pour le pays une industrie nationale. Je vois l’agriculture réhabilitée pour la consommation locale enrichissant et le paysan, et les restaurateurs. Et, en sous-main, je vois notre pays libre d’exploiter ses autres ressources naturelles en Koumbite avec les nationaux et les nations sœurs, sur les ressorts de la haute technologie, privilégiant la participation de tout Haïtien capable, indistinctement, naturalisé ailleurs ou jamais en dehors de la mère-patrie, et sans l’interférence des multinationales et des monopoles. Le socle de cette rampe de lancement sera l’unité. C’est un “sine qua non”.
Je laisse à d’autres, plus qualifiés, l’honneur d’allonger la liste des requis pour cette unité. Je placerai seulement quelques mots à propos d’un ingrédient fort suspect mais trop timidement dénoncé : le dilemme religieux.
Nous partons du principe que le respect est le minimum dans le cimentement des relations entre individus. On pourrait imaginer une liste des sentiments entre individus se succédant du plus au moindre, des positifs au pire négatif ; le respect se retrouverait au milieu de la ligne ou au centre d’une double carafe, l’une (une moitié) debout, campée sur l’autre renversée. Enlever le respect comme force interposée, ou garde-fou, tout s’écroule (Saving Haiti/Saving the World, Can Christianity Face the Challenge ? 2008). On ne peut sauver un peuple qu’à la condition au moins de le respecter, ou mieux, de l’aimer. Qu’est-ce qu’on voit entre Haïtiens ? Quel que soit le rapprochement entre nous, la religion sans cesse nourrit un restant d’animosité. Un bon point de départ pour l’unité tant rêvée serait d’en finir avec ce restant d’animosité. Cela ne veut pas dire qu’il faut rejeter sa religion pour se faire des alliés ou des amis. Seulement les discours et les attitudes doivent changer pour couper court au fanatisme et aux ressentiments. C’est possible. L’instinct, le sentiment religieux sont inséparables de la conscience. C’est comme une propriété du cortex cérébral humain. Par conséquent, malheur à qui s’avise d’en imposer à autrui ou de lui en vouloir pour sa religion.
On ne peut exiger de quelqu’un qu’il n’honore pas sa religion. La règle d’or : Primum non nocere, et ne pas se croire supérieur à l’autre.
À travers le dialogue, l’acceptation des différences, l’éducation, le miracle de l’unité est possible. Pourquoi éducation ? C’est parce que souvent, nous offensons non de mauvaise foi mais parce que mal éduqués, mal informés ou incapables d’empathie.
L’œuvre à accomplir est impossible par un seul groupe. Le "kombitisme" est notre modèle.
La peur, le mépris, la méfiance (les uns des autres) ont trop bien servi ceux qui ne nous ont jamais aimés.
Ceux qui ne nous ont jamais aimés nous ont apporté leurs religions que nous honorons aujourd’hui, à tort ou à raison.
Ceux qui ne nous ont jamais aimés avaient tout fait pour nous abrutir, pour nous faire nous détester nous-mêmes et la culture de nos ancêtres ; et leur agenda premier à travers ce qu’ils appellent “conversion ”fut de nous faire renoncer à nous-mêmes et nous maintenir toujours divisés et soumis.
Nous avons tant investi de temps, d’énergie et de biens dans nos religions, que, loin d’en laisser faire un cheval de Troie, faisons-en des égrégores utiles, ou un butin de guerre à l’égal de la langue française, excisant du tout la substantifique moelle des idées positives, les valeurs constructives pour un éclectisme intelligent et à la hauteur de nos aspirations collectives.
Ainsi soit-il!
Amen!
Ayibobo!
Jean Baptiste Luc Charlot
Miami 29 décembre 2020.