Ayida de mes nuits, Ne m'attends pas ce soir!

Rèl o, mwen tande rèl o;

Jezi, Mari, Jozèf... Gras lamizèrikòd...

Twazèm son fèk sonnen nan legliz katedral

Solèy kouche lontan dèyè mòn Lopital...

Dies irae, dies illa;

Pour qui sonne le glas...

Un vent d’Apocalypse a soufflé sur mon île.

Ayida de mes nuits,

Ne m’attends pas ce soir ;

J’ai rendez-vous demain avec la Grande Histoire.

Tout est noir...Tout est mort...

Je suis fatigué de mourir ;

Ma vie est en lambeau.

Mon cœur, mes os, ma peau

Ne cessent de gémir.

Je pleure mes enfants enfouis sous les décombres,

Et mes jours et mes nuits sont de plus en plus sombres.

Nan pwen bouch pou pale ! Le Prince n’a plus de Port.

Requiem aeternam pour des milliers de morts.

Ayida de mes nuits,

Ne m’attends pas ce soir ;

J’ai rendez-vous demain avec la Grande Histoire.

Ils viennent de partout gémir à mon chevet ;

La Perle des Antilles n’est plus ce qu’elle était.

Etrangers qui passez dans les rues de ma ville,

De ces rues à jamais réduites en guenille,

J’ose vous demander de ne pas piétiner

Ce qui me reste encor d’humaine dignité.

Ayida de mes nuits,

Ne m’attends pas ce soir ;

J’ai rendez-vous demain avec la Grande Histoire.

Moi, j’avais regardé...

J’ai longtemps contemplé sans même dire un mot.

Le carcan du quotidien dans une misère sans week-end

Ne laisse pas le temps de rêver à demain.

A force de chercher,

J’ai l’esprit lézardé, détraqué au possible...

Mais, maintenant, ô Ayida,

A la chandelle neuve éclairant ma conscience

A nouveau révoltée,

Mon cœur a entrepris d’imprimer goutte à goutte

La page maculée de ta fausse existence.

J’irai ma bien-aimée,

J’irai au creux de cette ribambelle,

Fouiller ta quintessence et questionner tes muses,

Pour découvrir alors cette parole forte

Qui crèv’ra les tympans des murs de l’égoïsme,

Et portera ta voix au sein de la mêlée.

Ayida de mes nuits,

Ne m’attends pas ce soir ;

Car je suis affligé du devoir de parler,

Étant en même temps le Cœur et la Raison.

Ayida de mes nuits,

Si ton corps est violé par des choses étranges,

Et si ta main se tend pour quémander l’obole,

La monnaie dégoûtante de ta propre pièce,

Ayida de mes nuits, ne livre pas ton cœur ;

Garde au fin fond de toi le secret de ton âme,

Ta passion incurable de la vie,

De l’amour.

Ayida de mes nuits,

Oublie l’odeur du soir et l’appel de la nuit,

Veille encore avec moi, veille ;

Veille encore avec moi, la grande et longue veille

La trop grande, la trop triste, et la trop longue veille ;

J’ai rendez-vous demain avec la Grande Histoire.

Demain un nouveau jour illuminera nos fronts,

Et nos pieds fouleront une terre des hommes.

Parlez, criez, clamez, o fils de mon pays,

Jusqu’â ce que le verbe se fasse chair chez nous,

Et donne à notre monde une ossature humaine.

Février 2010

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