Du sang d'Haïtiens sur le sol américain
Le 4 juin 2025, le président Donald Trump a signé une proclamation interdisant l’entrée aux États-Unis aux ressortissants de 12 pays. Nous les citons pour l’Histoire. L’Afghanistan, la Birmanie, le Tchad, la République démocratique du Congo, la Guinée équatoriale, l’Erythrée, Haïti, la Lybie, l’Iran, la Somalie, le Soudan et le Yémen. Sept pays sont désignés à des restrictions : le Burundi, Cuba, le Laos, le Sierra Leone, le Togo, le Turkménistan et le Venezuela.
Ce qui blesse particulièrement, ce n’est pas l’interdiction elle-même, mais c’est le ton, où transpirent le dédain et l’arrogance. Bien plus encore, ce sont les mots utilisés par le président : « Nous ne voulons pas d’eux ! Il faut protéger le pays de terroristes étrangers ! Nous ne pouvons pas avoir une immigration ouverte en provenance de pays que nous ne pouvons pas contrôler et filtrer de manière fiable. »
Étonnamment, Haïti est le seul pays visé par cette interdiction dans les trois Amériques ; les autres n’étant soumis qu’à des restrictions. Or, justement, Haïti est l’unique pays dans le Nouveau Monde qui a envoyé ses fils mourir et abreuver le sol américain de leur sang, lorsque ce pays luttait pour son indépendance face aux Britanniques. Les archives sont là pour attester les faits. En 1779, la ville de Savannah, capitale de la Géorgie, avait été investie par les Anglais. 1.300 volontaires de Saint-Domingue ont pris part à une expédition sous les ordres du vicomte François de Fontanges, pour soutenir les Américains. Plus tard, plus précisément en 1781, dans une autre campagne en Floride, des volontaires de Saint-Domingue ont combattu vaillamment à côté des Espagnols, alliés des Français, pour défendre la Liberté enchaînée. Cette bataille est considérée par les historiens américains et par les pouvoirs publics du territoire de l’Union, comme un épisode de grande importance de la Révolution Américaine.
Pour obtenir cette indépendance, beaucoup de sacrifices ont été librement consentis, et le sang a coulé à flots. En ce qui concerne les volontaires de Saint-Domingue, à côté des morts que l’on comptait par centaines, l’Histoire retient les noms de quelques blessés, leur provenance, et même leur âge. Leur sang, qui a coulé généreusement sur le sol américain, au nom de la liberté, nous interpelle d’une manière éminemment douloureuse. Alors, l’envie me prend d’en citer quelques-uns. André Rigaud, des Cayes, âgé de 26 ans. Pierre Faubert, des Cayes, âgé de 27 ans. Laurent Férou, des Côteaux, âgé de 14 ans. Guillaume Bleck, de Saint-Louis-du-Sud, âgé de 34 ans. Gédéon Jourdan, du Petit-Trou de Nippes, âgé de 22 ans. Césaire Savary, de Saint-Marc, âgé de 23 ans. Dans de différentes batailles, d’autres se sont illustrés et brilleront plus tard pour l’obtention de l’indépendance d’Haïti dont, Christophe, Rigaud, Chavannes, Beauvais…
Aujourd’hui, si le président des États-Unis d’Amérique interdit aux Haïtiens de fouler le sol de ce pays, faut-il s’indigner et crier à l’ingratitude ? Nullement. Nous devons plutôt attendre l’émergence d’un leader charismatique sans peur et sans reproche, qui viendra entreprendre un balayage systématique de la classe politique corrompue et l’oligarchie abjecte qui contribuent à tous les malheurs de la République. C’est la voie salutaire pour un développement optimal du pays, avec la participation de toutes ses forces vives, à l’intérieur comme à l’extérieur. Alors, dans l’apothéose de ces jours rêvés, l’allégresse remplira les âmes, et aucun chef d’état au monde ne pourra se permettre de gifler le peuple haïtien, comme c’est le cas avec cette interdiction de ne pas pouvoir entrer aux États-Unis.
Gérard Gène