Petit-Goâve et un clin d’œil à l’Empereur Faustin Soulouque
À 68 kilomètres environ au Sud de Port-au-Prince, se prélasse Petit-Goâve, l’une des plus anciennes villes de la République. Simple bourgade amérindienne à l’arrivée des Espagnols, elle s’est grandement développée sous l’impulsion des flibustiers. Ils avaient choisi ce port du fait qu’il est naturellement protégé des vents par l’île de la Gonâve et les montagnes environnantes, pour lancer leurs attaques contre les possessions anglaises et espagnoles en Amérique du Sud et dans les Antilles. Le Roi de France, Louis XIV, à la recherche d’un avantage politique en Amérique, en profite pour frapper l’Espagne.
L’expédition de Carthagène
C’est en 1697 que les flibustiers entreprirent donc leur plus grande expédition, en vue de piller Carthagène. Des colons de la région, des Noirs libres et des aventuriers de tous poils offrent leurs services. À cette époque, cette ville portuaire située au bord de la mer des Antilles, était le point névralgique du royaume d’Espagne en Amérique. Un centre de traite des esclaves et de transit vers l’Espagne de l’or issu des pillages des empires aztèque et inca. Comme Petit-Goâve, elle fut construite sur le site d’un village amérindien déserté. Or, le roi recherchait un succès sur les mers, afin de pouvoir signer le traité de Ryswick en position de force. Il envoie donc sept vaisseaux et trois frégates pour soutenir les efforts des flibustiers. La victoire est totale. La ville est livrée au pillage.
Parmi les objets emportés par les flibustiers, il en est un qui subsiste à l’Acul de Petit-Goâve, à deux pas de l’Église Saint Jean-Baptiste. Une grande croix, surmontée d’un Christ au visage espagnol. Ce souvenir historique est l’objet d’une grande dévotion de la part de tous les catholiques de la région, et même au-delà. Le Crucifié, la tête légèrement penchée vers son épaule, semble vouloir défier le temps, comme pour perpétuer à travers les siècles, le souvenir de cette époque sanglante et de brigandages qui couvre notre espèce de honte.
La Perle des Antilles
L’expédition de Carthagène était pour Louis XIV un moyen d’obtenir un territoire qu’il convoitait : la partie occidentale de l’île. La victoire obtenue et le traité de Ryswick signé la même année, 1697, le roi passe à l’offensive sans perdre de temps. Il sacrifie ses alliés de circonstance stratégique. Tous les flibustiers sont désarmés et leurs bateaux confisqués. À Petit-Goâve, le gouverneur Ducasse qui tirait mille avantages de la flibuste, reste sans voix face à cette marque d’ingratitude flagrante de la part de son Souverain. Néanmoins, prudence oblige, il avale dans l’amertume son indignation pour ne pas être révoqué. De plus, la Compagnie de Saint-Domingue est formée dès l’année suivante, pour accélérer la traite des Noirs. Les cultures se diversifient, le tabac, le café, tandis-que celle de la canne à sucre s’intensifie. Rapidement, la colonie accapare la première place dans la production sucrière mondiale. Dès lors, une présence militaire est imposée au détriment de l’Espagne et de l’Angleterre. De grandes richesses y voient le jour. Le roi est aux anges. SAINT-DOMINGUE se transforme en un véritable joyau. Une perle précieuse. LA PERLE DES ANTILLES.
L’origine du nom Petit-Goâve
Goâve, est un mot à résonnance indienne qui signifie baie. C’est donc une baie splendide qui s’ouvre sur un panorama exceptionnel. Les Espagnols changeront le nom en Aguava. De leur côté, les Français garderont l’appellation indienne : Goâve, en ajoutant le mot Petit, donc : Petit-Goâve, pour la distinguer de la ville voisine au Nord : Grand-Goâve. La ville de Petit-Goâve, meurtrie, comme tant d’autres, par des guerres fratricides, se laisse nourrir par ses douze sections communales. Elle rayonne et fascine par la diversité de sa faune et de sa flore. La plage Officier les bains, charme les connaisseurs en quête de détente et de la joie de vivre. Dans l’air flotte un je ne sais quoi de féérique, qui semble perpétuer le temps des gargotes des boucaniers, et les rires des femmes, offrant mille jouissances aux flibustiers dans leurs vies tumultueuses aux périls sans nombre. Sous l’occupation américaine, le Haut Commissaire des États-Unis et la haute hiérarchie gouvernementale haïtienne, y prenaient leurs loisirs hebdomadaires.
Depuis quelque temps, des larmes coulent dans les yeux. Au-delà de l’insécurité et des difficultés en tous genres, les catastrophes naturelles qui s’accumulent, accentuent les douleurs. Des morts, des destructions, des pertes sèment le désespoir dans les cœurs de façon récurrente. Il convient de noter cependant qu’au cours de l’occupation américaine, de grands travaux d’assainissement et d’infrastructures ont été entrepris à travers toute la République, et Petit-Goâve n’a pas été oubliée. En effet, deux grands chantiers ont vu le jour pour contrôler les crues de la Rivière La Digue au Nord de la ville, et la Rivière Caïman au Sud. Plusieurs canaux creusés et bien entretenus, déversaient les eaux de ruissellement à la mer. Malheureusement, depuis des décennies presque tous ces canaux sont laissés à l’abandon, et des plantations de bananes envahissent les lieux. Ainsi donc, tant que des travaux de curage en profondeur de ces deux rivières et des canaux ne sont pas entrepris pour protéger les vies et les biens, la fin des grands désastres et des grandes douleurs n’est pas pour demain.
Une ville stoïque dans les malheurs
De l’époque coloniale à nos jours, des tempêtes politiques, parsemées de luttes sanglantes, assombrissent sans cesse le ciel de la République. Ainsi, en 1902, une élection bat son plein. Les esprits s’électrifient. Un intellectuel de la plus belle eau, Anténor Firmin, vise le fauteuil présidentiel. La ville de Petit-Goâve, amoureuse des choses de l’esprit, applaudit à l’annonce de cette prestigieuse candidature. Elle aime l’intelligence et la beauté des idées riches bien formulées. Mais cette décision de l’ancien ministre du président Sam, dérange énormément tous les autres candidats : Callisthènes Fouchard, Sénèque-Monplaisir Pierre et surtout le général Nord Alexis qui ne le portait pas dans son cœur, et là, c’est un euphémisme. Ainsi donc, les forces des ténèbres s’unirent contre l’homme de lettres au verbe flamboyant. Le Gouvernement Provisoire, présidé par Boisrond Canal, qui siégeait au Palais National depuis le départ du président Sam, de connivence avec ces candidats indélicats prêts à toutes les actions déloyales, envoya des généraux à la tête de troupes bien équipées contre Petit-Goâve, à cause de sa sympathie affichée à l’égard de Firmin. La ville fut pillée et livrée aux flammes. Le général Nord Alexis, ministre de la guerre, se fait nommer président par l’Assemblée nationale.
Derrière cette victoire de l’ignorance sur la culture, se dissimulent les mains des oligarques qui utilisent à loisir des gens instruits corrompus et sans scrupules, ou d’autres sans aucune instruction, pour assouvir leur soif insatiable de richesse au détriment du peuple. Ils se heurteront un jour à un analphabète au destin fabuleux, qui leur jouera un très mauvais tour. Ils paieront de leur vie leur méconnaissance de l’homme. Son nom : Faustin Soulouque.
Faustin Soulouque
Après Jean Jacques Dessalines, le Père de la Patrie, Faustin Soulouque est le Chef d’État haïtien qui a fait le plus de biens au pays. Il est né esclave en 1782 à Vialet, première section communale de Petit-Goâve. Il a été affranchi par le décret de 1793 pris par Léger-Félicité Sontonax, qui abolissait l’esclavage en Haïti. Il a joué un rôle clé dans la guerre d’indépendance de la République sous les ordres du général Borno Lamarre, ce héros national qui a chassé les Français de la ville. À la mort de Lamarre en 1810 au Môle Saint Nicolas où il combattait Henry Christophe, Soulouque, sous le coup d’une soudaine inspiration, apporta le cœur de son chef au président Pétion. Celui-ci, flairant un officier de grande valeur, le garda au Palais national. Et depuis, les promotions pleuvent. Sous la présidence de Boyer, Rivière Hérard, Philippe Guerrier, Pierrot, et lorsque Richer accède au pouvoir, on le retrouve général et commandant de la Garde présidentielle.
C’est à ce poste qu’il devient président de la République, sans être candidat. Quelques mois après sa nomination, Faustin arrive à Petit-Goâve, plus précisément à Vialet, pour aller se recueillir sur la tombe de sa mère, une ancienne esclave. Il organisa ensuite un festin gargantuesque dans la ville en liesse, en égorgeant lui-même le premier cochon. Ensuite, un Te Deum solennel est chanté dans l’église paroissiale, récemment rénovée par ses soins. Avant de rentrer à Port-au-Prince, le président Soulouque, procéda à l’établissement d’une école primaire. C’est le premier pas qui va l’emmener à prendre une décision historique d’une importance cruciale pour l’avenir même de la Nation. La loi du 29 décembre 1848 qui organise l’instruction publique, crée des écoles primaires dans chaque commune du pays. Une décision particulièrement étonnante, mais tout à fait à l’honneur d’un président illettré, né dans l’esclavage. Son esprit sagace a su reconnaître toute l’importance de l’instruction publique, contrairement au président Boyer, un homme pourtant instruit, qui procéda à la fermeture de la grande majorité des écoles. Pour bien apprécier toute la profondeur de cette loi, il faut souligner que la France seule avait doté à cette époque chacune de ses communes d’une école primaire. L’Angleterre, cette grande puissance dominant les mers, attendra jusqu’en 1867 pour imiter Soulouque dans cette voie éblouissante pour l’intelligence humaine.
C’est pour soutenir et pérenniser le souvenir de ce fils illustre de Vialet, que la BIBLIOTHÈQUE COMMUNAUTAIRE PROFESSEUR WILLY JEAN FRANÇOIS est implantée dans cette localité. Ses portes sont ouvertes gratuitement à tous. Des élèves, au plus grand plaisir de leurs parents, mélangeant leur courage à leur soif du savoir, défient l’espace et le temps pour venir d’aussi loin que Grand-Goâve et Miragoâne. Plus de onze mille ouvrages dans presque toutes les disciplines y font leurs délices. C’est dans cet espace culturel de haut vol, qu’ils découvrent avec le plus grand étonnement la carte de Saint-Domingue, issue du Traité de Ryswick en 1697. À côté, la carte actuelle de la République avec le vaste territoire s’étendant de Hinche, Lascahobas, Saint-Raphaël, jusqu’à Banica, la ville frontalière de la République dominicaine. Un cadeau inestimable de Soulouque au pays.
D’aucuns se demandent, rêveurs, jusqu’où la frontière allait-elle s’arrêter si les élans victorieux de l’Empereur n’étaient pas brisés par la trahison de certains généraux de l’Armée, et les machinations machiavéliques de la classe politique ? Quant aux oligarques, frustrés d’avoir perdu leur influence dans la gérance des affaires du pays, à leurs yeux, l’Empereur s’est transformé en un véritable Frankenstein, un monstre qui dévore son propre créateur. La nouvelle frontière érigée par Soulouque, sera contestée par les Dominicains jusqu’à l’occupation américaine. En fin de compte, les Américains trancheront en faveur d’Haïti. La frontière restera telle quelle. Sous leurs auspices, un traité fut signé en 1924 entre le président dominicain Horacio Vasquez et le président Louis Borno. C’est l’année du départ des Américains de la République dominicaine. Ils avaient occupé le pays de 1916 à 1924. Cette période a été marquée par la guerre des Bananes, où les États-Unis ont occupé le pays pour protéger leurs intérêts et rembourser les dettes dues. Mentionnons que Toussaint occupa la partie orientale de l’île au nom de la France, grâce au traité de Bâle signé en 1795 entre l’Espagne et la France. Après l’indépendance, le président Boyer gouvernera l’île entière. Mais c’est l’Empereur Soulouque qui a pris l’initiative de reculer la frontière dans ses limites actuelles.
Outre ces deux cartes attisant la curiosité, des vagues d’allégresse inondent les cœurs et les esprits des visiteurs à la vue de deux grands posters ornant les murs de la Bibliothèque : l’un représente l’Empereur seul , dans un somptueux costume d’apparat. Dans l’autre, il se tient debout à côté de l’Impératrice Adélina Lévêque, née Elizabeth Adélina Dérival Lévêque. Elle est la fille de Dérival Lévêque, duc de Plaisance, et de Marie Françoise Célimène Dessalines, fille de l’empereur Jean-Jacques Dessalines. Le mariage est célébré au Palais national. Une première dans l’histoire du pays. Un autre poster relate quelques autres actions lumineuses de l’Empereur. C’est lui qui a réussi une grande première à l’échelle diplomatique, en obtenant en France le droit de légation, un des principaux attributs de la souveraineté d’une nation. De plus, à cette époque, les Grandes Puissances européennes et même les États-Unis faisaient pleuvoir sur le pays une kyrielle de réclamations farfelues pour nous appauvrir. Tous les présidents cédaient et payaient sous la menace des canons et des pressions diplomatiques. Faustin Soulouque a su résister. Il était prêt à opposer la force à la force.
En 1858, à l’annonce de l’établissement d’une compagnie américaine à la Navase pour y exploiter du guano, Soulouque envoya deux bateaux de guerre pour revendiquer la souveraineté d’Haïti sur l’île. Face à cette action énergique, le président Abraham Lincoln a été contraint d’envoyer sur les lieux une force de la Marine américaine, pour imposer l’exploitation de l’île par la force. Aujourd’hui, les Américains ont transformé l’île en un véritable Centre de préservation naturelle. Au moins 250 nouvelles espèces végétales et animales ont été découvertes. En tout, 800 espèces sont recensées. Une quinzaine d’entre elles sont endémiques. Faut-il tomber dans le désespoir de ne jamais pouvoir récupérer l’île ? Non. La Nation ne baisse pas les bras. Elle s’accroche à l’idée que tout est encore possible. Rien n’est immuable sur cette terre et dans l’univers. Cette idée soutient notre revendication permanente. Et justement, la Constitution de 1987 affiche notre farouche détermination. Alors, qui sait ? Qui vivra verra.
Le moment est venu de soumettre ces faits au jugement du peuple haïtien, et à la sagacité de l’esprit de la jeunesse estudiantine, pavant ainsi la voie à une éventuelle réhabilitation de la mémoire de l’Empereur Faustin Soulouque, malgré certaines actions politiques discutables qui jalonnent son règne. Vive Haïti ! Vive l’Empereur Faustin Soulouque !
Prof. Gérard Gène Petit-Goâve et un clin d’œil à l’Empereur Faustin Soulouque
À 68 kilomètres environ au Sud de Port-au-Prince, se prélasse Petit-Goâve, l’une des plus anciennes villes de la République. Simple bourgade amérindienne à l’arrivée des Espagnols, elle s’est grandement développée sous l’impulsion des flibustiers. Ils avaient choisi ce port du fait qu’il est naturellement protégé des vents par l’île de la Gonâve et les montagnes environnantes, pour lancer leurs attaques contre les possessions anglaises et espagnoles en Amérique du Sud et dans les Antilles. Le Roi de France, Louis XIV, à la recherche d’un avantage politique en Amérique, en profite pour frapper l’Espagne.
L’expédition de Carthagène
C’est en 1697 que les flibustiers entreprirent donc leur plus grande expédition, en vue de piller Carthagène. Des colons de la région, des Noirs libres et des aventuriers de tous poils offrent leurs services. À cette époque, cette ville portuaire située au bord de la mer des Antilles, était le point névralgique du royaume d’Espagne en Amérique. Un centre de traite des esclaves et de transit vers l’Espagne de l’or issu des pillages des empires aztèque et inca. Comme Petit-Goâve, elle fut construite sur le site d’un village amérindien déserté. Or, le roi recherchait un succès sur les mers, afin de pouvoir signer le traité de Ryswick en position de force. Il envoie donc sept vaisseaux et trois frégates pour soutenir les efforts des flibustiers. La victoire est totale. La ville est livrée au pillage.
Parmi les objets emportés par les flibustiers, il en est un qui subsiste à l’Acul de Petit-Goâve, à deux pas de l’Église Saint Jean-Baptiste. Une grande croix, surmontée d’un Christ au visage espagnol. Ce souvenir historique est l’objet d’une grande dévotion de la part de tous les catholiques de la région, et même au-delà. Le Crucifié, la tête légèrement penchée vers son épaule, semble vouloir défier le temps, comme pour perpétuer à travers les siècles, le souvenir de cette époque sanglante et de brigandages qui couvre notre espèce de honte.
La Perle des Antilles
L’expédition de Carthagène était pour Louis XIV un moyen d’obtenir un territoire qu’il convoitait : la partie occidentale de l’île. La victoire obtenue et le traité de Ryswick signé la même année, 1697, le roi passe à l’offensive sans perdre de temps. Il sacrifie ses alliés de circonstance stratégique. Tous les flibustiers sont désarmés et leurs bateaux confisqués. À Petit-Goâve, le gouverneur Ducasse qui tirait mille avantages de la flibuste, reste sans voix face à cette marque d’ingratitude flagrante de la part de son Souverain. Néanmoins, prudence oblige, il avale dans l’amertume son indignation pour ne pas être révoqué. De plus, la Compagnie de Saint-Domingue est formée dès l’année suivante, pour accélérer la traite des Noirs. Les cultures se diversifient, le tabac, le café, tandis-que celle de la canne à sucre s’intensifie. Rapidement, la colonie accapare la première place dans la production sucrière mondiale. Dès lors, une présence militaire est imposée au détriment de l’Espagne et de l’Angleterre. De grandes richesses y voient le jour. Le roi est aux anges. SAINT-DOMINGUE se transforme en un véritable joyau. Une perle précieuse. LA PERLE DES ANTILLES.
L’origine du nom Petit-Goâve
Goâve, est un mot à résonnance indienne qui signifie baie. C’est donc une baie splendide qui s’ouvre sur un panorama exceptionnel. Les Espagnols changeront le nom en Aguava. De leur côté, les Français garderont l’appellation indienne : Goâve, en ajoutant le mot Petit, donc : Petit-Goâve, pour la distinguer de la ville voisine au Nord : Grand-Goâve. La ville de Petit-Goâve, meurtrie, comme tant d’autres, par des guerres fratricides, se laisse nourrir par ses douze sections communales. Elle rayonne et fascine par la diversité de sa faune et de sa flore. La plage Officier les bains, charme les connaisseurs en quête de détente et de la joie de vivre. Dans l’air flotte un je ne sais quoi de féérique, qui semble perpétuer le temps des gargotes des boucaniers, et les rires des femmes, offrant mille jouissances aux flibustiers dans leurs vies tumultueuses aux périls sans nombre. Sous l’occupation américaine, le Haut Commissaire des États-Unis et la haute hiérarchie gouvernementale haïtienne, y prenaient leurs loisirs hebdomadaires.
Depuis quelque temps, des larmes coulent dans les yeux. Au-delà de l’insécurité et des difficultés en tous genres, les catastrophes naturelles qui s’accumulent, accentuent les douleurs. Des morts, des destructions, des pertes sèment le désespoir dans les cœurs de façon récurrente. Il convient de noter cependant qu’au cours de l’occupation américaine, de grands travaux d’assainissement et d’infrastructures ont été entrepris à travers toute la République, et Petit-Goâve n’a pas été oubliée. En effet, deux grands chantiers ont vu le jour pour contrôler les crues de la Rivière La Digue au Nord de la ville, et la Rivière Caïman au Sud. Plusieurs canaux creusés et bien entretenus, déversaient les eaux de ruissellement à la mer. Malheureusement, depuis des décennies presque tous ces canaux sont laissés à l’abandon, et des plantations de bananes envahissent les lieux. Ainsi donc, tant que des travaux de curage en profondeur de ces deux rivières et des canaux ne sont pas entrepris pour protéger les vies et les biens, la fin des grands désastres et des grandes douleurs n’est pas pour demain.
Une ville stoïque dans les malheurs
De l’époque coloniale à nos jours, des tempêtes politiques, parsemées de luttes sanglantes, assombrissent sans cesse le ciel de la République. Ainsi, en 1902, une élection bat son plein. Les esprits s’électrifient. Un intellectuel de la plus belle eau, Anténor Firmin, vise le fauteuil présidentiel. La ville de Petit-Goâve, amoureuse des choses de l’esprit, applaudit à l’annonce de cette prestigieuse candidature. Elle aime l’intelligence et la beauté des idées riches bien formulées. Mais cette décision de l’ancien ministre du président Sam, dérange énormément tous les autres candidats : Callisthènes Fouchard, Sénèque-Monplaisir Pierre et surtout le général Nord Alexis qui ne le portait pas dans son cœur, et là, c’est un euphémisme. Ainsi donc, les forces des ténèbres s’unirent contre l’homme de lettres au verbe flamboyant. Le Gouvernement Provisoire, présidé par Boisrond Canal, qui siégeait au Palais National depuis le départ du président Sam, de connivence avec ces candidats indélicats prêts à toutes les actions déloyales, envoya des généraux à la tête de troupes bien équipées contre Petit-Goâve, à cause de sa sympathie affichée à l’égard de Firmin. La ville fut pillée et livrée aux flammes. Le général Nord Alexis, ministre de la guerre, se fait nommer président par l’Assemblée nationale.
Derrière cette victoire de l’ignorance sur la culture, se dissimulent les mains des oligarques qui utilisent à loisir des gens instruits corrompus et sans scrupules, ou d’autres sans aucune instruction, pour assouvir leur soif insatiable de richesse au détriment du peuple. Ils se heurteront un jour à un analphabète au destin fabuleux, qui leur jouera un très mauvais tour. Ils paieront de leur vie leur méconnaissance de l’homme. Son nom : Faustin Soulouque.
Faustin Soulouque
Après Jean Jacques Dessalines, le Père de la Patrie, Faustin Soulouque est le Chef d’État haïtien qui a fait le plus de biens au pays. Il est né esclave en 1782 à Vialet, première section communale de Petit-Goâve. Il a été affranchi par le décret de 1793 pris par Léger-Félicité Sontonax, qui abolissait l’esclavage en Haïti. Il a joué un rôle clé dans la guerre d’indépendance de la République sous les ordres du général Borno Lamarre, ce héros national qui a chassé les Français de la ville. À la mort de Lamarre en 1810 au Môle Saint Nicolas où il combattait Henry Christophe, Soulouque, sous le coup d’une soudaine inspiration, apporta le cœur de son chef au président Pétion. Celui-ci, flairant un officier de grande valeur, le garda au Palais national. Et depuis, les promotions pleuvent. Sous la présidence de Boyer, Rivière Hérard, Philippe Guerrier, Pierrot, et lorsque Richer accède au pouvoir, on le retrouve général et commandant de la Garde présidentielle.
C’est à ce poste qu’il devient président de la République, sans être candidat. Quelques mois après sa nomination, Faustin arrive à Petit-Goâve, plus précisément à Vialet, pour aller se recueillir sur la tombe de sa mère, une ancienne esclave. Il organisa ensuite un festin gargantuesque dans la ville en liesse, en égorgeant lui-même le premier cochon. Ensuite, un Te Deum solennel est chanté dans l’église paroissiale, récemment rénovée par ses soins. Avant de rentrer à Port-au-Prince, le président Soulouque, procéda à l’établissement d’une école primaire. C’est le premier pas qui va l’emmener à prendre une décision historique d’une importance cruciale pour l’avenir même de la Nation. La loi du 29 décembre 1848 qui organise l’instruction publique, crée des écoles primaires dans chaque commune du pays. Une décision particulièrement étonnante, mais tout à fait à l’honneur d’un président illettré, né dans l’esclavage. Son esprit sagace a su reconnaître toute l’importance de l’instruction publique, contrairement au président Boyer, un homme pourtant instruit, qui procéda à la fermeture de la grande majorité des écoles. Pour bien apprécier toute la profondeur de cette loi, il faut souligner que la France seule avait doté à cette époque chacune de ses communes d’une école primaire. L’Angleterre, cette grande puissance dominant les mers, attendra jusqu’en 1867 pour imiter Soulouque dans cette voie éblouissante pour l’intelligence humaine.
C’est pour soutenir et pérenniser le souvenir de ce fils illustre de Vialet, que la BIBLIOTHÈQUE COMMUNAUTAIRE PROFESSEUR WILLY JEAN FRANÇOIS est implantée dans cette localité. Ses portes sont ouvertes gratuitement à tous. Des élèves, au plus grand plaisir de leurs parents, mélangeant leur courage à leur soif du savoir, défient l’espace et le temps pour venir d’aussi loin que Grand-Goâve et Miragoâne. Plus de onze mille ouvrages dans presque toutes les disciplines y font leurs délices. C’est dans cet espace culturel de haut vol, qu’ils découvrent avec le plus grand étonnement la carte de Saint-Domingue, issue du Traité de Ryswick en 1697. À côté, la carte actuelle de la République avec le vaste territoire s’étendant de Hinche, Lascahobas, Saint-Raphaël, jusqu’à Banica, la ville frontalière de la République dominicaine. Un cadeau inestimable de Soulouque au pays.
D’aucuns se demandent, rêveurs, jusqu’où la frontière allait-elle s’arrêter si les élans victorieux de l’Empereur n’étaient pas brisés par la trahison de certains généraux de l’Armée, et les machinations machiavéliques de la classe politique ? Quant aux oligarques, frustrés d’avoir perdu leur influence dans la gérance des affaires du pays, à leurs yeux, l’Empereur s’est transformé en un véritable Frankenstein, un monstre qui dévore son propre créateur. La nouvelle frontière érigée par Soulouque, sera contestée par les Dominicains jusqu’à l’occupation américaine. En fin de compte, les Américains trancheront en faveur d’Haïti. La frontière restera telle quelle. Sous leurs auspices, un traité fut signé en 1924 entre le président dominicain Horacio Vasquez et le président Louis Borno. C’est l’année du départ des Américains de la République dominicaine. Ils avaient occupé le pays de 1916 à 1924. Cette période a été marquée par la guerre des Bananes, où les États-Unis ont occupé le pays pour protéger leurs intérêts et rembourser les dettes dues. Mentionnons que Toussaint occupa la partie orientale de l’île au nom de la France, grâce au traité de Bâle signé en 1795 entre l’Espagne et la France. Après l’indépendance, le président Boyer gouvernera l’île entière. Mais c’est l’Empereur Soulouque qui a pris l’initiative de reculer la frontière dans ses limites actuelles.
Outre ces deux cartes attisant la curiosité, des vagues d’allégresse inondent les cœurs et les esprits des visiteurs à la vue de deux grands posters ornant les murs de la Bibliothèque : l’un représente l’Empereur seul , dans un somptueux costume d’apparat. Dans l’autre, il se tient debout à côté de l’Impératrice Adélina Lévêque, née Elizabeth Adélina Dérival Lévêque. Elle est la fille de Dérival Lévêque, duc de Plaisance, et de Marie Françoise Célimène Dessalines, fille de l’empereur Jean-Jacques Dessalines. Le mariage est célébré au Palais national. Une première dans l’histoire du pays. Un autre poster relate quelques autres actions lumineuses de l’Empereur. C’est lui qui a réussi une grande première à l’échelle diplomatique, en obtenant en France le droit de légation, un des principaux attributs de la souveraineté d’une nation. De plus, à cette époque, les Grandes Puissances européennes et même les États-Unis faisaient pleuvoir sur le pays une kyrielle de réclamations farfelues pour nous appauvrir. Tous les présidents cédaient et payaient sous la menace des canons et des pressions diplomatiques. Faustin Soulouque a su résister. Il était prêt à opposer la force à la force.
En 1858, à l’annonce de l’établissement d’une compagnie américaine à la Navase pour y exploiter du guano, Soulouque envoya deux bateaux de guerre pour revendiquer la souveraineté d’Haïti sur l’île. Face à cette action énergique, le président Abraham Lincoln a été contraint d’envoyer sur les lieux une force de la Marine américaine, pour imposer l’exploitation de l’île par la force. Aujourd’hui, les Américains ont transformé l’île en un véritable Centre de préservation naturelle. Au moins 250 nouvelles espèces végétales et animales ont été découvertes. En tout, 800 espèces sont recensées. Une quinzaine d’entre elles sont endémiques. Faut-il tomber dans le désespoir de ne jamais pouvoir récupérer l’île ? Non. La Nation ne baisse pas les bras. Elle s’accroche à l’idée que tout est encore possible. Rien n’est immuable sur cette terre et dans l’univers. Cette idée soutient notre revendication permanente. Et justement, la Constitution de 1987 affiche notre farouche détermination. Alors, qui sait ? Qui vivra verra.
Le moment est venu de soumettre ces faits au jugement du peuple haïtien, et à la sagacité de l’esprit de la jeunesse estudiantine, pavant ainsi la voie à une éventuelle réhabilitation de la mémoire de l’Empereur Faustin Soulouque, malgré certaines actions politiques discutables qui jalonnent son règne. Vive Haïti ! Vive l’Empereur Faustin Soulouque !
Prof. Gérard Gène Petit-Goâve et un clin d’œil à l’Empereur Faustin Soulouque
À 68 kilomètres environ au Sud de Port-au-Prince, se prélasse Petit-Goâve, l’une des plus anciennes villes de la République. Simple bourgade amérindienne à l’arrivée des Espagnols, elle s’est grandement développée sous l’impulsion des flibustiers. Ils avaient choisi ce port du fait qu’il est naturellement protégé des vents par l’île de la Gonâve et les montagnes environnantes, pour lancer leurs attaques contre les possessions anglaises et espagnoles en Amérique du Sud et dans les Antilles. Le Roi de France, Louis XIV, à la recherche d’un avantage politique en Amérique, en profite pour frapper l’Espagne.
L’expédition de Carthagène
C’est en 1697 que les flibustiers entreprirent donc leur plus grande expédition, en vue de piller Carthagène. Des colons de la région, des Noirs libres et des aventuriers de tous poils offrent leurs services. À cette époque, cette ville portuaire située au bord de la mer des Antilles, était le point névralgique du royaume d’Espagne en Amérique. Un centre de traite des esclaves et de transit vers l’Espagne de l’or issu des pillages des empires aztèque et inca. Comme Petit-Goâve, elle fut construite sur le site d’un village amérindien déserté. Or, le roi recherchait un succès sur les mers, afin de pouvoir signer le traité de Ryswick en position de force. Il envoie donc sept vaisseaux et trois frégates pour soutenir les efforts des flibustiers. La victoire est totale. La ville est livrée au pillage.
Parmi les objets emportés par les flibustiers, il en est un qui subsiste à l’Acul de Petit-Goâve, à deux pas de l’Église Saint Jean-Baptiste. Une grande croix, surmontée d’un Christ au visage espagnol. Ce souvenir historique est l’objet d’une grande dévotion de la part de tous les catholiques de la région, et même au-delà. Le Crucifié, la tête légèrement penchée vers son épaule, semble vouloir défier le temps, comme pour perpétuer à travers les siècles, le souvenir de cette époque sanglante et de brigandages qui couvre notre espèce de honte.
La Perle des Antilles
L’expédition de Carthagène était pour Louis XIV un moyen d’obtenir un territoire qu’il convoitait : la partie occidentale de l’île. La victoire obtenue et le traité de Ryswick signé la même année, 1697, le roi passe à l’offensive sans perdre de temps. Il sacrifie ses alliés de circonstance stratégique. Tous les flibustiers sont désarmés et leurs bateaux confisqués. À Petit-Goâve, le gouverneur Ducasse qui tirait mille avantages de la flibuste, reste sans voix face à cette marque d’ingratitude flagrante de la part de son Souverain. Néanmoins, prudence oblige, il avale dans l’amertume son indignation pour ne pas être révoqué. De plus, la Compagnie de Saint-Domingue est formée dès l’année suivante, pour accélérer la traite des Noirs. Les cultures se diversifient, le tabac, le café, tandis-que celle de la canne à sucre s’intensifie. Rapidement, la colonie accapare la première place dans la production sucrière mondiale. Dès lors, une présence militaire est imposée au détriment de l’Espagne et de l’Angleterre. De grandes richesses y voient le jour. Le roi est aux anges. SAINT-DOMINGUE se transforme en un véritable joyau. Une perle précieuse. LA PERLE DES ANTILLES.
L’origine du nom Petit-Goâve
Goâve, est un mot à résonnance indienne qui signifie baie. C’est donc une baie splendide qui s’ouvre sur un panorama exceptionnel. Les Espagnols changeront le nom en Aguava. De leur côté, les Français garderont l’appellation indienne : Goâve, en ajoutant le mot Petit, donc : Petit-Goâve, pour la distinguer de la ville voisine au Nord : Grand-Goâve. La ville de Petit-Goâve, meurtrie, comme tant d’autres, par des guerres fratricides, se laisse nourrir par ses douze sections communales. Elle rayonne et fascine par la diversité de sa faune et de sa flore. La plage Officier les bains, charme les connaisseurs en quête de détente et de la joie de vivre. Dans l’air flotte un je ne sais quoi de féérique, qui semble perpétuer le temps des gargotes des boucaniers, et les rires des femmes, offrant mille jouissances aux flibustiers dans leurs vies tumultueuses aux périls sans nombre. Sous l’occupation américaine, le Haut Commissaire des États-Unis et la haute hiérarchie gouvernementale haïtienne, y prenaient leurs loisirs hebdomadaires.
Depuis quelque temps, des larmes coulent dans les yeux. Au-delà de l’insécurité et des difficultés en tous genres, les catastrophes naturelles qui s’accumulent, accentuent les douleurs. Des morts, des destructions, des pertes sèment le désespoir dans les cœurs de façon récurrente. Il convient de noter cependant qu’au cours de l’occupation américaine, de grands travaux d’assainissement et d’infrastructures ont été entrepris à travers toute la République, et Petit-Goâve n’a pas été oubliée. En effet, deux grands chantiers ont vu le jour pour contrôler les crues de la Rivière La Digue au Nord de la ville, et la Rivière Caïman au Sud. Plusieurs canaux creusés et bien entretenus, déversaient les eaux de ruissellement à la mer. Malheureusement, depuis des décennies presque tous ces canaux sont laissés à l’abandon, et des plantations de bananes envahissent les lieux. Ainsi donc, tant que des travaux de curage en profondeur de ces deux rivières et des canaux ne sont pas entrepris pour protéger les vies et les biens, la fin des grands désastres et des grandes douleurs n’est pas pour demain.
Une ville stoïque dans les malheurs
De l’époque coloniale à nos jours, des tempêtes politiques, parsemées de luttes sanglantes, assombrissent sans cesse le ciel de la République. Ainsi, en 1902, une élection bat son plein. Les esprits s’électrifient. Un intellectuel de la plus belle eau, Anténor Firmin, vise le fauteuil présidentiel. La ville de Petit-Goâve, amoureuse des choses de l’esprit, applaudit à l’annonce de cette prestigieuse candidature. Elle aime l’intelligence et la beauté des idées riches bien formulées. Mais cette décision de l’ancien ministre du président Sam, dérange énormément tous les autres candidats : Callisthènes Fouchard, Sénèque-Monplaisir Pierre et surtout le général Nord Alexis qui ne le portait pas dans son cœur, et là, c’est un euphémisme. Ainsi donc, les forces des ténèbres s’unirent contre l’homme de lettres au verbe flamboyant. Le Gouvernement Provisoire, présidé par Boisrond Canal, qui siégeait au Palais National depuis le départ du président Sam, de connivence avec ces candidats indélicats prêts à toutes les actions déloyales, envoya des généraux à la tête de troupes bien équipées contre Petit-Goâve, à cause de sa sympathie affichée à l’égard de Firmin. La ville fut pillée et livrée aux flammes. Le général Nord Alexis, ministre de la guerre, se fait nommer président par l’Assemblée nationale.
Derrière cette victoire de l’ignorance sur la culture, se dissimulent les mains des oligarques qui utilisent à loisir des gens instruits corrompus et sans scrupules, ou d’autres sans aucune instruction, pour assouvir leur soif insatiable de richesse au détriment du peuple. Ils se heurteront un jour à un analphabète au destin fabuleux, qui leur jouera un très mauvais tour. Ils paieront de leur vie leur méconnaissance de l’homme. Son nom : Faustin Soulouque.
Faustin Soulouque
Après Jean Jacques Dessalines, le Père de la Patrie, Faustin Soulouque est le Chef d’État haïtien qui a fait le plus de biens au pays. Il est né esclave en 1782 à Vialet, première section communale de Petit-Goâve. Il a été affranchi par le décret de 1793 pris par Léger-Félicité Sontonax, qui abolissait l’esclavage en Haïti. Il a joué un rôle clé dans la guerre d’indépendance de la République sous les ordres du général Borno Lamarre, ce héros national qui a chassé les Français de la ville. À la mort de Lamarre en 1810 au Môle Saint Nicolas où il combattait Henry Christophe, Soulouque, sous le coup d’une soudaine inspiration, apporta le cœur de son chef au président Pétion. Celui-ci, flairant un officier de grande valeur, le garda au Palais national. Et depuis, les promotions pleuvent. Sous la présidence de Boyer, Rivière Hérard, Philippe Guerrier, Pierrot, et lorsque Richer accède au pouvoir, on le retrouve général et commandant de la Garde présidentielle.
C’est à ce poste qu’il devient président de la République, sans être candidat. Quelques mois après sa nomination, Faustin arrive à Petit-Goâve, plus précisément à Vialet, pour aller se recueillir sur la tombe de sa mère, une ancienne esclave. Il organisa ensuite un festin gargantuesque dans la ville en liesse, en égorgeant lui-même le premier cochon. Ensuite, un Te Deum solennel est chanté dans l’église paroissiale, récemment rénovée par ses soins. Avant de rentrer à Port-au-Prince, le président Soulouque, procéda à l’établissement d’une école primaire. C’est le premier pas qui va l’emmener à prendre une décision historique d’une importance cruciale pour l’avenir même de la Nation. La loi du 29 décembre 1848 qui organise l’instruction publique, crée des écoles primaires dans chaque commune du pays. Une décision particulièrement étonnante, mais tout à fait à l’honneur d’un président illettré, né dans l’esclavage. Son esprit sagace a su reconnaître toute l’importance de l’instruction publique, contrairement au président Boyer, un homme pourtant instruit, qui procéda à la fermeture de la grande majorité des écoles. Pour bien apprécier toute la profondeur de cette loi, il faut souligner que la France seule avait doté à cette époque chacune de ses communes d’une école primaire. L’Angleterre, cette grande puissance dominant les mers, attendra jusqu’en 1867 pour imiter Soulouque dans cette voie éblouissante pour l’intelligence humaine.
C’est pour soutenir et pérenniser le souvenir de ce fils illustre de Vialet, que la BIBLIOTHÈQUE COMMUNAUTAIRE PROFESSEUR WILLY JEAN FRANÇOIS est implantée dans cette localité. Ses portes sont ouvertes gratuitement à tous. Des élèves, au plus grand plaisir de leurs parents, mélangeant leur courage à leur soif du savoir, défient l’espace et le temps pour venir d’aussi loin que Grand-Goâve et Miragoâne. Plus de onze mille ouvrages dans presque toutes les disciplines y font leurs délices. C’est dans cet espace culturel de haut vol, qu’ils découvrent avec le plus grand étonnement la carte de Saint-Domingue, issue du Traité de Ryswick en 1697. À côté, la carte actuelle de la République avec le vaste territoire s’étendant de Hinche, Lascahobas, Saint-Raphaël, jusqu’à Banica, la ville frontalière de la République dominicaine. Un cadeau inestimable de Soulouque au pays.
D’aucuns se demandent, rêveurs, jusqu’où la frontière allait-elle s’arrêter si les élans victorieux de l’Empereur n’étaient pas brisés par la trahison de certains généraux de l’Armée, et les machinations machiavéliques de la classe politique ? Quant aux oligarques, frustrés d’avoir perdu leur influence dans la gérance des affaires du pays, à leurs yeux, l’Empereur s’est transformé en un véritable Frankenstein, un monstre qui dévore son propre créateur. La nouvelle frontière érigée par Soulouque, sera contestée par les Dominicains jusqu’à l’occupation américaine. En fin de compte, les Américains trancheront en faveur d’Haïti. La frontière restera telle quelle. Sous leurs auspices, un traité fut signé en 1924 entre le président dominicain Horacio Vasquez et le président Louis Borno. C’est l’année du départ des Américains de la République dominicaine. Ils avaient occupé le pays de 1916 à 1924. Cette période a été marquée par la guerre des Bananes, où les États-Unis ont occupé le pays pour protéger leurs intérêts et rembourser les dettes dues. Mentionnons que Toussaint occupa la partie orientale de l’île au nom de la France, grâce au traité de Bâle signé en 1795 entre l’Espagne et la France. Après l’indépendance, le président Boyer gouvernera l’île entière. Mais c’est l’Empereur Soulouque qui a pris l’initiative de reculer la frontière dans ses limites actuelles.
Outre ces deux cartes attisant la curiosité, des vagues d’allégresse inondent les cœurs et les esprits des visiteurs à la vue de deux grands posters ornant les murs de la Bibliothèque : l’un représente l’Empereur seul , dans un somptueux costume d’apparat. Dans l’autre, il se tient debout à côté de l’Impératrice Adélina Lévêque, née Elizabeth Adélina Dérival Lévêque. Elle est la fille de Dérival Lévêque, duc de Plaisance, et de Marie Françoise Célimène Dessalines, fille de l’empereur Jean-Jacques Dessalines. Le mariage est célébré au Palais national. Une première dans l’histoire du pays. Un autre poster relate quelques autres actions lumineuses de l’Empereur. C’est lui qui a réussi une grande première à l’échelle diplomatique, en obtenant en France le droit de légation, un des principaux attributs de la souveraineté d’une nation. De plus, à cette époque, les Grandes Puissances européennes et même les États-Unis faisaient pleuvoir sur le pays une kyrielle de réclamations farfelues pour nous appauvrir. Tous les présidents cédaient et payaient sous la menace des canons et des pressions diplomatiques. Faustin Soulouque a su résister. Il était prêt à opposer la force à la force.
En 1858, à l’annonce de l’établissement d’une compagnie américaine à la Navase pour y exploiter du guano, Soulouque envoya deux bateaux de guerre pour revendiquer la souveraineté d’Haïti sur l’île. Face à cette action énergique, le président Abraham Lincoln a été contraint d’envoyer sur les lieux une force de la Marine américaine, pour imposer l’exploitation de l’île par la force. Aujourd’hui, les Américains ont transformé l’île en un véritable Centre de préservation naturelle. Au moins 250 nouvelles espèces végétales et animales ont été découvertes. En tout, 800 espèces sont recensées. Une quinzaine d’entre elles sont endémiques. Faut-il tomber dans le désespoir de ne jamais pouvoir récupérer l’île ? Non. La Nation ne baisse pas les bras. Elle s’accroche à l’idée que tout est encore possible. Rien n’est immuable sur cette terre et dans l’univers. Cette idée soutient notre revendication permanente. Et justement, la Constitution de 1987 affiche notre farouche détermination. Alors, qui sait ? Qui vivra verra.
Le moment est venu de soumettre ces faits au jugement du peuple haïtien, et à la sagacité de l’esprit de la jeunesse estudiantine, pavant ainsi la voie à une éventuelle réhabilitation de la mémoire de l’Empereur Faustin Soulouque, malgré certaines actions politiques discutables qui jalonnent son règne. Vive Haïti ! Vive l’Empereur Faustin Soulouque !
Prof. Gérard Gène
