Concordat de 1860 : ‘‘Le vrai contrat diabolique’’ !
‘’Haïti ! Pays libre et indépendant ! Liberté et Indépendance conquises de haute lutte ! Et non les résultats d’un quelconque contrat signé avec le diable, comme le prétendent les détracteurs. Mais maintenant il faut réorganiser l’ancienne colonie. Le pays cherche désespérément la reconnaissance de la part de ce Monde érigé sous l’empire du système esclavagiste, système menacé profondément par cette émergence anachronique du ‘’Fait Haïtien’’. L’Ordre Mondial ferme toutes ses portes. En dernier recours, Haïti sollicite l’État du Vatican ; l’Église de Rome exige des conditions. Il y a là des âmes à évangéliser et des sauvages à civiliser. Pour cette reconquête subtile, on choisit les meilleurs missionnaires, des prêtres français de la Congrégation Saint Jacques de Compostelle, de préférence des bretons, connus pour leur tendance royaliste et leurs convictions racistes. Ils auront pour mission de formater et subjuguer définitivement des jeunes esprits nègres à la cause néocolonialiste française.
Désormais, les Généraux Leclerc, Rochambeau avec les canons de Praloteau et les soldats de Beauvais, les Commissaires Hédouville, Polvérel et Hailaut et leur Code Noir sont avantageusement remplacés par Leurs Éminences Messeigneurs Kersuzan et Robert, les Révérends Pères Froisset, Le Corre, Lebreton, les chers Frères de l’Instruction chrétienne, Dorothé, Fabien, Ligori, les bonnes Sœurs de Saint Joseph de Cluny, etc. Le journal ‘L’Avant-garde’’ déclare en 1882 : ‘’Mgr Guilloux, atteint de négrophobie, s’est considéré comme le fouet prédestiné des Noirs, le fléau de la race à Vodou, le sabot breton qui doit écraser la tête du serpent haïtien’’. Malcom X avait pleinement raison : ‘’Seul un fou confie à ses malfaiteurs l’éducation de ses enfants’’. L’impact délétère de ce malheureux choix concordataire sur la société haïtienne est de plus en plus évident.
En effet, le tour est joué. Dès la mise en route de ce Concordat, la reconquête de la Colonie est plus profonde et plus en douceur : Civilisation, Colonisation, Extermination, trois grandes étapes de la mise en place de ‘’l’Ordre Mondial’’. Dorénavant, pour l’ancienne colonie tout devient français, la langue, la religion, l’école, la politique, la mode, la cuisine, la musique, la danse, tout. Les moeurs, la culture, la spiritualité françaises ont détrôné sauvagement les fondamentaux culturels africains. L’Épistémicide bien appliqué a fait ses preuves.
Le Vrai, le Beau, le Bien sont définis exclusivement par les auteurs français. Les termes de patrie, de bien commun, de liberté, de justice sociale sont galvaudés ; tout vole en éclats ; la reconquête est chose faite, ce, avec peu de chance d’un nouveau 1804.
Comble d’ironie : dans nos classes primaires, nos chers frères et nos bonnes sœurs nous imposaient, nous les ‘’pauvres petits noirs’’, de participer au salut des âmes des ‘’petits chinois’’ en cotisant avec nos maigres «10 kob et 20 kob » destinés à l’achat de sucreries, de frescos, de pistaches. Un baromètre dessiné bien en vue à l’entrée des classes indiquait en rouge les performances journalières des cotisations. A travers cette malsaine compétition, nos jeunes cerveaux de croisillons et de croisés souhaitaient désespérément la présence dans nos rangs de jeunes arabes, syriens, libanais, italiens qui eux fournissaient des ‘’gourdes’’ pour faire exploser nos baromètres. Les croisillons et les croisés étaient des clubs d’écoliers créés en référence aux Croisades, guerre des chrétiens pour la récupération des terres saintes (Israël, Palestine) occupées par les musulmans. Abominable mensonge !
‘’N’ayez pas peur de ceux qui tuent le corps, craignez plutôt ceux qui peuvent détruire l’âme et l’esprit’’, proclame Le Christ de la Bible. A partir de ce formatage subtil, décisif, néocolonialiste et ses conséquences désastreuses alimentées par nos élites haïtiennes dégénérées et soumises, il devient extrêmement difficile de reconnaître ce qui a constitué cette âme haïtienne, forgeuse de liberté à travers l’épopée de 1804.
Faut-il encore espérer contre toutes espérances ?
Comment peut-on justifier les fameuses campagnes de ‘’REJETE’’ de Mgr. Robert, Mgr. Kersuzan, Père Froisset, Père Le Corre, des pasteurs protestants et autres, campagnes autorisées et soutenues, tout au long de notre histoire, par des dirigeants politiques croupions et sans dignité, assoiffés de pouvoirs ? Quelle démarche de civilisation ou de rédemption peut-on consciemment évoquer pour légitimer cette méconnaissance évidente de l’histoire et cette intolérance crasse qui sont à la base de la destruction sauvage des lieux et objets de culte d’un peuple qui a réalisé 1804, avec la Proclamation de l’Indépendance de la Première République noire?
Honte à vous, misérables missionnaires ! Malheur à vous, Commissaires, Ambassadeurs, Envoyés spéciaux des Nations-Unies qui, allègrement avec nos exécrables dirigeants et les insatiables brasseurs d’affaires, planifient et matérialisent la dépravation et la perdition de millions d’êtres humains qui ont commis le seul crime d’avoir dit non à l’imposture. Ils ont fait de nous des dénigreurs, des traitres, des zombifiés et des zombificateurs : dénigreurs de nous-mêmes et de nos ancêtres, traitres envers nos peuples et nos pays, zombifiés face à nos devoirs d’élites et zombificateurs de nos enfants et de nos populations.
Haïti vous donne rendez-vous au Tribunal de l’Histoire.
Avec une intelligence nouvelle dotée d’une conscience désaliénée, il nous faudra alors travailler à une décolonisation définitive de nos savoirs : savoir historique, savoir politique, savoir religieux, savoir scientifique, ces caricatures intellectuelles et morales héritées de l’esclavage, afin de parvenir à l’émancipation authentique de l’être haïtien.
(Extraits revus et complétés du Livre : LE CAMPINORDAIS)
GTG/ février 2024