LE MAL HAITIEN

LE MAL HAITIEN

Dans le journal haïtien ‘’Le Nouvelliste’’ du 28 septembre 2015, notre compatriote Janin Léonidas écrit une page formidable intitulée : ‘’ La peur d'être ou le mal haïtien’’.  Pour une bonne compréhension de ma présente démarche, je reproduis illico un résumé de cet article.

‘’L'histoire a retenu que certains peuples, après une période de dictature, s'égarent, s'enterrent dans la débauche et finissent par subir la domination d'un autre groupe. Ce qu'il y a de plus néfaste dans cette approche, cette méthode de gouvernement, ce n'est nullement le nombre de victimes, mais plutôt la déshumanisation des citoyens qui en découle. Celle-ci entraîne chez les individus une attitude délétère presque suicidaire. Elle commence par le rejet de la légalité, se manifeste par une banalisation collective puis s'installe définitivement... (dans le chaos total)’’.

La cascade d’évènements loufoques et dramatiques qui se déploie dans le pays depuis quelque temps, confirme malheureusement la justesse de l’analyse du journaliste. Ainsi, le mal haïtien n’est pas une invention d’un esprit dérangé, encore moins une malédiction tombée du ciel à la suite d’un certain contrat diabolique passé avec les ‘’Loa-Vodou’’, mais une réalité historique sous-jacente qui mérite une analyse en profondeur et une approche conséquente.

L’histoire longue de notre communauté haitienne doit être envisagée dans une perspective sociétale globale. Cette histoire, étonnement chaotique depuis ses débuts jusqu’aux bouleversements contemporains, permet à tout analyste circonspect de relever les signes évidents de ce mal endémique. La lutte acharnée et incessante pour le pouvoir, les discriminations sociales persistantes en dépit de certains arrangements épisodiques fort peu consistants, l’absence déplorable d’une vision commune pour une société équilibrée, toutes ces déficiences sont des éléments majeurs qui contribuent à l’établissement du mal haïtien et à son explosion catastrophique qui met en déroute toutes démarches thérapeutiques conventionnelles.

Les saupoudrages ridicules et les dispositions sociopolitiques indécentes mises en place par décideurs étrangers depuis l'époque coloniale et honteusement assumés par les dirigeants nationaux, ne font qu’empirer le mal et pérenniser les souffrances des populations haïtiennes. La honte et le déshonneur s’installent dans tous les esprits, dans l’attente d’une délivrance miraculeuse devenue de plus en plus improbable.

Définitivement, il faut nous délivrer du mal Haïtien qui n’est, semble-t ’il, que la métastase du cancer esclavagiste. Que dit l’aïeul ?

« Je vous remercie mon Dieu, de m'avoir créé Noir, d'avoir fait de moi la somme de toutes les douleurs, mis sur ma tête, le monde. Le blanc est une couleur de circonstance, le noir, la couleur de tous les jours. Et je porte le Monde depuis le premier soir. Je suis content de la forme de ma tête faite pour porter le monde, satisfait de la forme de mon nez qui doit humer tout le vent du monde. […] Trente-six épées ont transpercé mon cœur. Trente-six brasiers ont brûlé mon corps. Je suis quand même content de porter le monde »

''Ces vers, tirés du recueil de poèmes « La ronde des jours » de Bernard Dadié auraient pu décrire l’auteur. On y retrouve sa fierté d’être africain et l’acceptation de toutes les tribulations que subissaient les noirs. Ces souffrances, l’Ivoirien les connaît bien''.

Moi aussi, je connais les déboires et les cris de mon peuple : ’Le mot civilisé ne m’inspire que mépris, car je vis dans mon âme, au travers de mon corps, les morsures profondes des civilisations...’’

Alors, je crie :

BLASPHÈME !

J’en ai marre, le sais-tu ?

J’en ai marre, de tes yeux,

De tes yeux sans regard ;

De ta gueule en compote qui a perdu ses dents ;

De ton corps de pendu qui ne cesse d’accuser.

De toi et de tes misérables,

 Oui, j’ai marre de toi,

De vos cris, de vos plaintes et de vos airs minables.

Pourquoi me regarder avec des yeux si blêmes ?

Pourquoi me fixez-vous avec des yeux si blêmes ?

Après tant de paroles et de voix étouffées,

Après tant de révoltes   et de condamnations,

J’ai voulu rassembler vos cris et ma vigueur,

Combiner ma jeunesse d’avec votre faiblesse.

J’ai frappé par trois à la porte du temps,

Par trois fois j’ai crié à la nuit qui s’étend ;

Ma démarche fut vaine et ma voix sans écho.

Folies, aberrations, cruelles absurdités.

J’ai gaspillé pour vous mon trésor et mon temps;

Pour vous j’ai déployé ma vigueur de vingt ans.

Et maintenant, j’en ai marre…

Pourtant, je sens encor,

Je ne peux m’y soustraire, vos angoisses d’antan

Qui coulent comme un poison dans mes vaines gonflées.

Je me débats en vain

Contre vos dents de mort accolées à ma peau.

Je renifle vos vies

Qui meurent piétinées sous les dents de la haine.

Alors me prend la rage de crier au blasphème.

Blasphème ou bien Miracle !

Ces Dauphins de la Croix

 Prônent avec véhémence la guerre nucléaire,

 Pour sauver l’apparence, le mensonge de la liberté !

Blasphème !

Ces bourgeois endurcis

Qui honorent le Christ, le révolutionnaire

Qui a crié : « Malheur aux riches ! »

Miracle !

L’ivrogne et sa passion,

La putain de grand jour avec ses rires sans joie,

Ce pauvre et sa misère,

Le vagabond classé et ses péchés mortels;

Je suis un réfugié dans ma propre demeure,

Je dois ressusciter bien avant que je meure.

   Blasphème ou bien Miracle 

Nul ne sait! Dieu le sait. 

Faut-il comme son Fils sur la Croix du Calvaire

Subir tous les affronts en riant à la Terre?      

GTG/ Octobre 2024

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