Depuis que le monde est monde, les êtres humains, poussés par leur instinct grégaire, s’évertuent tant bien que mal à organiser leurs cohortes, nomades ou sédentaires, en communautés vivantes. Ces communautés, à travers des ajustements progressifs, se donnent des règles de conduite et des modes de fonctionnement qui garantissent la sécurité de chacun et la survie du groupe. D’où les sociétés.
Au fil du temps, et à travers des péripéties de toutes sortes, ces sociétés se développent pour devenir, d’abord des villes, ensuite des pays et plus tard des Continents. Traditions et évolutions, mœurs et coutumes, échanges et commerces, religions et gouvernements, associations et confrontations, l’aventure humaine se déroule inexorablement.
Mais, il vient un temps où des grandes questions surgissent, à l’intérieur de circonstances exceptionnelles qui exigent des réponses décisives. C’est le temps des bilans, l’heure du questionnement de nos choix, de nos orientations fondamentales, de la gestion nos sociétés et de notre Monde, de l’adéquation de nos formules de gouvernement.
Empire, Royauté, Kalifa, Caciquat, Système colonial, Gouverneur à vie, Dictature, Présidence à vie, Fédération, République démocratique, Élections directes ou indirectes, Gouvernement mondial, Système unipolaire, bipolaire, multipolaire, l’humain a expérimenté toutes ces formes d’administration. L’Histoire nous révèle les limites et les failles de toutes ces expériences. Alors, il est raisonnable de conclure qu’aucun système social ou politique, qu’aucune doctrine philosophique ou religieuse ne s’impose guère par la pureté et l’évidence de sa vérité, mais par la force brutale et la puissance mentale ou économique de leurs concepteurs. ‘’Toute civilisation est à base de massacre sacrificiel’’, affirme Jacques Attali.
Un tel constat exige une réflexion en profondeur, un examen méthodique de nos expériences de gouvernement pour éventuellement aboutir à une formule qui répond le mieux à la satisfaction de nos besoins et qui se révèle la plus appropriée à nos aspirations humaines légitimes. Pour ce qui concerne Haïti, en dépit de nos combats épiques, et contrairement aux visions originelles des Pères fondateurs de notre Nation, nos divers responsables politiques se mettent le plus souvent à la remorque du système colonial et n’obéissent qu’aux injonctions souvent malveillantes des Puissances internationales.
Dans la construction de ce modèle de Gouvernement pour Haïti, il faut de la clairvoyance et de la perspicacité. Ainsi nous avons proposé :
‘’Construire ensemble un Nouvel Havre de paix où il fait bon vivre’’ ne saurait se reposer sur cette ‘’naïveté sociologique’’ qui promeut indument la Démocratie et la Méritocratie dans un univers où tout est tracé d’avance, où nos sociétés ne font que reproduire les mêmes structures pyramidales avec des places précises assignées à chacun selon ses origines, de génération en génération. Cette construction ne peut se réaliser sans une déconstruction à la fois mentale et sociétale de cette domination systémique qui s’exprime par une oppression et une violence inscrites depuis des siècles dans les structures même de nos sociétés coloniales et dans nos inconscients collectifs.
Le Chef, le Président, le Monarque constituent des réalités qui méritent d’être exorcisées après des siècles d’excentricités et d’abus de toutes sortes. En dépit des balises constitutionnelles, expressément établies par les législateurs, la fonction de Président suscite chez ses détenteurs, même au sein de vieilles républiques, des tentations à la dictature, incompatibles aux exigences démocratiques. Cette tendance est monnaie courante dans les républiques bananières du Tiers-Monde ; le chef, le Président s’octroie le droit de vie et de mort sur tous ses citoyens, considérés à ses yeux comme de vulgaires sujets. La notion de chef doit subir des ajustements dans toute perspective de changement, et ce, à tous les niveaux.
Dans cette démarche de changement de système et de recherche de formules appropriées, plus conformes à notre réel haïtien, d’aucuns font mention du mouvement ‘’Konbit’’, très familier dans les activités communautaires campagnardes. Ce mouvement, en effet, a fait ses preuves et répondait merveilleusement à l’esprit d’entraide et de convivialité de nos paysans. Hélas, les mœurs urbaines ont relégué cette formule au banc des souvenirs.
D’autres chercheurs évoquent avec justesse la gouvernance au féminin, une nouvelle vision du Matriarcat qui vaut vraiment son pesant d’or face aux déconvenues patentes de la gestion de la plupart de nos hommes d’État. La Tradition africaine qui fait encore partie de notre héritage culturel, constituerait un atout majeur dans le cadre de cette considération particulière du Matriarcat dont elle est la source.
Avec ces deux références fort à propos pour une bonne Gouvernance, il y a là tout un programme de réflexion, d’élaboration, de planification pour nos sociologues, nos ethnologues, nos politiciens, politiciennes et pour tout haïtien et haïtienne de bonne volonté, soucieux de l’avenir de notre Patrie commune.
GTG/18 novembre 2023