Il est des êtres exceptionnels qui transcendent l’histoire, et dont l’existence constitue un honneur à l’humanité tout entière. Dans le champ politique, ce sont des géants qui bousculent les traditions, les lois anachroniques et rétrogrades, et les antagonismes socioéconomiques, pour imposer une vision progressiste et lumineuse. On n’arrive pas toujours à suivre facilement les traces éblouissantes de ces oiseaux rares de haut vol. Mustapha Kemal fut de cette trempe.
Après la première guerre mondiale, les grandes puissances, qui venaient de vaincre l’Allemagne, fondirent sur L’Empire ottoman, comme d’insatiables vautours, pour le dépecer. Mustapha Kemal a dû lutter avec l’énergie du désespoir, pour sauver la Turquie d’un ignoble protectorat. C’est donc à ce moment crucial, si périlleux pour lui-même, qu’il a choisi de révéler toute la puissance de son génie d’homme d’État, à l’intérieur comme à l’extérieur. En 1923, plus précisément, la République fut proclamée. Il devient ainsi le premier président de la Turquie. Dès lors, des changements spectaculaires se succèdent en cascade dans tout le pays. Le Sultanat et le Califat furent abolis. Il réussit ensuite l’inimaginable dans un pays musulman à 98%. Il sépare l’Église de l’État. Le port du fez pour les hommes, celui du voile pour les femmes furent défendus. Les écoles furent sécularisées. On institue un programme d’enseignement gratuit et obligatoire. L’alphabet arabe fit place à l’alphabet romain. Tous les enfants, et même certains adultes, se mirent à apprendre les nouveaux caractères. Le système métrique, l’heure internationale, furent adoptés. De plus, la loi coranique fut remplacée par le code civil, pénal, et commercial, basé sur les jurisprudences européennes. Les femmes reçurent le droit d’être éligibles à la Grande assemblée nationale. Dans ce pays, personne n’avait de nom de famille. Chaque adulte était donc appelé à se choisir un nom. Ainsi, nous pouvons mieux comprendre pourquoi la Bible disait : « Paul de Tarse ». C’est parce que cet Apôtre était né tout simplement à Tarse, qui était une ville de la Turquie, autrefois Cilicie. Dans cette même foulée de réformes radicales des institutions, Kemal instaura un ambitieux programme de développement technique et économique qui devait, en quelques décades, mettre le pays au niveau des nations occidentales… Éblouie, comblée, au-delà de toute mesure, la nation reconnaissante conféra à ce chef d’État hors du commun, le titre de Atatürk : « Père des Turques » Ou si vous préférez : « Père de la Turquie » Aujourd’hui, ce pays de 83.43 millions d’habitants (2019), à cheval sur deux continents, continue de bénéficier des bases structurelles modernes établies par Kemal.
Lorsque je considère tout ce que cet homme a pu réaliser en si peu de temps, je me mets à rêver que mon pays d’origine pourrait connaître aussi un tel destin. À quand donc un Mustapha Kemal pour Haïti ? Quel est l’homme, ou la femme d’acier trempé, implacable, intègre et progressiste, qui viendra placer ce pays sur la voie du développement ? Tout est encore possible. Oh ! Vous tous qui vivez avec de tels espoirs plantés au tréfonds de votre cœur, laissez-moi mêler mes rêves avec vos rêves dans l’attente de ces jours éclatés ! Nos âmes éparses se donneront rendez-vous chaque soir, sous le ciel étoilé de notre île magique, jusqu’aux joyeux cocoricos des coqs, annonçant la naissance de l’aube.
Prof. Gérard Gène