HAITIENS, QUI SOMMES-NOUS? (2)

HAITIENS, QUI SOMMES-NOUS? (2ème Partie)

La première partie de cette importante réflexion a fait l’objet d’un   survol rapide sur cette épineuse question qui est à la base de cet imbroglio inconcevable, situation terrible que traverse le peuple haïtien tout entier. Déjà les hésitations apparaissent clairement dans les différentes tournures utilisées pour poser le problème :            

 ‘’Les Haïtiens, qui sont-ils ? Ce peuple-mien que je ne sonnais point !’’

Dans cette deuxième partie, la démarche sera plus approfondie et fera mention de diverses recherches mis en place par des historiens et sociologues chevronnés. Il serait indiqué qu’une présentation détaillée des diverses composantes de la colonie de Saint Domingue soit clairement exposée. Cette population saintdominguase est à l’origine de la société haïtienne et du peuple haïtien qui font l’objet de notre présente analyse. Daniel Rouzier souligne :

 Moreau de St-Méry, un des meilleurs historiens à avoir vécu dans la colonie, raconte que lorsque le pays proclame son indépendance en 1804, plus des deux tiers de la population d’esclaves sont composés   de « Bossales ». C’est ainsi que l’on décrit les esclaves nés en Afrique, les esclaves qui ont vécu moins de cinq ans dans la colonie et qui la connaissent mal. Ceux qui, quant à eux, sont nés dans la colonie sont appelés des « créoles ». En conséquence, lorsqu’Haïti devient indépendante, il y vit deux fois plus de bossales (esclaves nés en Afrique) que de créoles (esclaves nés à Saint-Domingue) …

Ces témoins privilégiés d’un des actes les plus significatifs de l’histoire de l’humanité vont jusqu’à prendre pour acquis que la déclaration de l’indépendance aura officiellement signifié (au moins dans la jeune nation) la fin de ce commerce sordide, de ces ventes et de ces achats d’êtres humains ; que le pays aura cessé automatiquement d’importer d’autres esclaves. À les croire, une fois indépendants, les créoles et les bossales auront formé un groupe si homogène, qu’ils sont naturellement devenus un seul peuple, une seule nation.

Mais est-ce vraiment ce qui s’est passé ?

En fait, l’indépendance d’Haïti, loin d’édulcorer les différences entre bossales et créoles, les ont au contraire, accentuées. En fait, les créoles se sont adaptés à l’esclavage avec tous ses travers et toutes ses perversions alors que les bossales l'ont rejeté ; les créoles se sont graduellement habitués à la vie sur les plantations alors que les bossales l’abhorrent

Thomas Madiou, un des meilleurs historiens de son époque comprend le dilemme et des décennies après l’indépendance l’exprime encore clairement : En fin de compte, les bossales veulent répliquer un système africain fait de production individuelle à petite échelle, alors que Toussaint veut absolument retourner au système latifundiaire reposant sur les grandes plantations qui lui permettraient de continuer à produire ce qu’il faut de richesses pour redonner à la colonie sa prospérité d’antan.

C’est fort de ces comportements insolites, spécifiquement par rapport à la terre et à la production de richesses, qu’à la longue, le pays se divise en deux. Les marrons bossales d’un côté et les citadins créoles de l’autre se retrouvent chacun dans leurs bulles respectives « dans un balancement permanent entre vaudou et catholicisme ; créole et français ; économie rurale et économie urbaine ; habitat dispersé et villes ; coutume lignagère et Code Napoléon ; plaçage et mariage ; tradition et éducation scolaire ; bandes paysannes et Armée ; autorégulation et forme apparente de démocratie représentative. De telles oppositions ne sont ni bénignes ni fortuites. 

Même si dans le détail rien n’est brutalement tranche,́ toute approche ensemble devraitprendre en considération cette double nature du système haïtien. Et c’est bien ce à quoi,aujourd’hui encore, se résume LE système !

Cette importante distinction, relative à la population des anciens esclaves, mise en évidence par des historiens de renom, ne s’arrête pas là. D’autres couches de cette nouvelle société haïtienne ont un impact majeur sur le déroulement de l’histoire passée et présente de notre pays. On peut citer entre autres, les mulâtres, autoproclamés héritiers exclusifs des biens et propriétés de leurs géniteurs, les colons. Cet aspect polémique de notre histoire ne cesse d’alimenter nos incohérences sociales et perturber lamentablement nos possibilités pour un développement harmonieux.

Il faut ajouter à cette catégorie des mulâtres, les étrangers de tous poils, qui, faisant corps avec ces derniers, profitent indument des largesses et combines de nos dirigeants apatrides pour déstabiliser davantage notre société haïtienne en pleine détresse.

Cette absence flagrante d’homogénéité et d’intérêt commun d’une population aussi disparate et divisée explique aisément la grande difficulté de motivation et de mobilisation du peuple haïtien pour un vrai développement endogène. Les Puissances prédatrices profitent cyniquement de cet état de fait pour exacerber ces handicaps et faire main basse sur nos ressources.

La nécessité de bien connaitre qui nous sommes, de maitriser notre histoire, nos traditions, notre spiritualité, nos ressources, nos potentialités, nos conflits internes, notre environnement géopolitique, cette nécessité s’avère indispensable pour toute mise en place en vue d’une sortie intelligente de crise et l’établissement d’un plan réel de développement.

Pour le Pays, pour les Ancêtres,

Pour nos enfants et nos bien-êtres,

Faisons preuve d’intelligence,

Illuminons notre existence.

GTG/ août 2024

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