De Montréal

Annulation de la dette d'Haïti et le dossier ORBIS

Septembre 2004, une très bonne nouvelle tombe. Le Gouvernement du Canada vient d'annuler la dette du Sénégal, du Ghana, et de l'Éthiopie. En lisant cette réjouissante information, un flash illumine mon esprit, et une question fuse : Qu'en est-il d'Haïti?

                  Le jour même, j'envoie une lettre au Premier Ministre Paul Martin, celui-là même qui avait nommé notre compatriote Madame Michaëlle Jean, Gouverneur général du Canada. Les astres s'alignent. Je lui présente mes félicitations pour cette action, en formulant le souhait de voir Haïti accéder à son tour au club de ces autres pays comme la Tanzanie, le Bénin, la Guyana, et la Bolivie, dont la dette envers le Canada a été annulée depuis 2000.

                   Surprise! Le 12 octobre 2004, " l'Agent de la correspondance de la direction ", Monsieur A. Messier, me répond au nom du très honorable Paul Martin pour me remercier d'avoir écrit au premier Ministre. Il ajoute qu'il a pris la liberté de transmettre, à titre d'information, copie de ma correspondance au Ministre des Finances, Monsieur Ralph Goodale. Le 18 octobre, c'est Monsieur Patrick Tobin, le Chef du Cabinet du Ministre qui m'écrit pour me rassurer que ma lettre sera portée à l'attention du Ministre, dès que possible.

                     Sentant que je suis sur une bonne piste, je me tourne alors vers Haïti. Par le truchement du Consul général d'Haïti d'alors, Monsieur Jacques Norésias, j'achemine une note au Premier Ministre, Monsieur Gérard Latortue, pour une intervention officielle d'Haïti dans ce dossier. Dans la même veine, j'envoie un pli au Ministre des Finances, Monsieur Bazin, et au Ministre des Affaires étrangères, Monsieur Yvon Siméon, pour qu'ils puissent s'impliquer dans la démarche. Résultat? Aucune initiative. Pas un mot. Ô Haïti! Plus que cela, tu meurs.

                      Néanmoins, au mois de décembre de cette même année, je reçois une longue lettre du Ministre des Finances, Monsieur R. Goodale, dans laquelle il m'informe que le Canada est partisan de l'inclusion d'Haïti dans " l'Initiative PPTE " (Pays Pauvres Très Endettés). De plus, notre pays sera non seulement admissible à un allègement de la dette de la part du Canada, mais aussi « de tous les autres créanciers bilatéraux, multilatéraux, et commerciaux ». Je plane sur un nuage, mais avec un grand doute à l’esprit. Ces belles promesses, seront-elles tenues ?

                     Eh bien, oui. Le Ministre Goodale s'est révélé homme de parole. En 2006, les Institutions Financières Internationales et le Club de Paris acceptent que « l'Initiative PPTE s'élargisse à Haïti. Le stock de la dette publique extérieure totale était de 1.337 millions de dollars. Au point d'achèvement de l'Initiative PPTE en 2009, la dette était 1.884 millions de dollars. » Une annulation de la dette d'un montant de 1.200 millions de dollars est décidée, « pour rendre cette dette soutenable, » selon les propres termes des Institutions Financières Internationales. Cette annulation de la dette d'Haïti à cette date, s'est révélée providentielle, car quelques mois plus tard, comme on le sait, notre pays a été frappé de plein fouet par le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010.

                 Dans ce cas très précis, Haïti a pu bénéficier de ce précieux coup de pouce de l'étranger, parce que l'intervention du Gouvernement haïtien n'était pas nécessaire. Tout a été élaboré et décidé, entre le Canada et les Institutions Financières Internationales. Heureusement, car si une action quelconque de notre pays était attendue, le blocage était assuré, comme cela fut le cas pour ORBIS (saving sight Worldwide).

                      Voici les faits brièvement. ORBIS est une Organisation qui sauve la vue des gens dans le monde entier gratuitement. En 1987, elle était présente en Haïti. En 2002, je suis entré en contact avec la Responsable au Canada, Madame Ginette Sabourin. Une entente a vu le jour entre nous pour envoyer en Haïti l'avion de l'Organisation qui est transformé en clinique médicale ambulante. À son bord, une équipe d'ophtalmologistes réputés allait opérer et traiter toutes les personnes souffrant de différentes pathologies aux yeux. De plus, des séances de formation étaient prévues pour les ophtalmologistes haïtiens. À l'issue de cette formation, une distribution d'instruments chirurgicaux allait se tenir pour le plus grand bonheur de tous. Pas une gourde de la part du Gouvernement, ni de personne. Une seule condition était réclamée. Le Gouvernement d'Haïti, ou le Ministère de la santé publique, ou même une Association d'ophtalmologistes haïtiens, devait envoyer une lettre d'invitation à ORBIS. Eh bien! Croyez-le ou non, comme pour le cas de la dette, aucune initiative n'a été prise à cet effet. Pas un geste. Pas un mot. Aujourd'hui, je vais envoyer ce texte au Consulat d'Haïti à Montréal, et à l'Ambassade d'Haïti à Ottawa, pour relancer la question de la lettre d'invitation, puisque j’ai conservé tous les documents. Un proverbe de chez nous dit : « Avec de la patience, on peut voir la mamelle de la puce. » Qui sait ?

                         En attendant, j'invite tous mes compatriotes à ne pas perdre l'espoir. Les générations passent, mais le pays demeure. Comme le phénix, cet oiseau fabuleux de la mythologie grecque, Haïti renaîtra de ses cendres ; car il est des Héros au grand cœur, qui œuvrent fébrilement pour des lendemains éclatés. Je choisis trois modèles entre mille.

                        D'abord, mon ami et frère, Dr. Jean-Baptiste Luc Charlot, qui accomplit actuellement un travail remarquable de formation et de sensibilisation à la radio, la télévision et les réseaux sociaux. En 2010, il fut parmi les premiers à voler au chevet d'Haïti après le tremblement de terre. Son premier livre porte un titre évocateur: SAVING HAITI/ SAVING THE WORLD dans lequel il propose des solutions intelligentes, aux problèmes que confronte notre pays depuis des décennies. Oui, Haïti a besoin d'être sauvé. Il est semblable à un malade couché sur un lit d'hôpital en soins intensifs.

                        De son côté, mon collaborateur, Prof. Willy Jean François, se donne pour tâche de couvrir tous les Départements du pays de bibliothèques publiques. Il est sur la bonne voie, sans aucun appui gouvernemental ou de ONG. Aux Etats-Unis, où il vit, il s'active sans se soucier de l'indifférence totale des autorités locales, Députés, Maires etc. De 2005 à nos jours, pas une visite à la Bibliothèque principale de Vialet, Première section communale de Petit-Goâve. Cette Maison de culture, qui sert de plaque tournante pour alimenter plus d’une vingtaine de bibliothèques de plusieurs régions, ouvre ses portes gratuitement à la jeunesse estudiantine de trois villes, Petit-Goâve, Grand-Goâve et Miragoâne. Est-il découragé pour autant? Non. Il puise la force de continuer dans l'attente "des lendemains qui chantent". L'espoir fait vivre, dit-on.

                         Mon troisième modèle est le Prof. émérite, Samuel Pierre. Un véritable fleuron dans l'univers scientifique à Montréal. Depuis plusieurs années, il mène un combat épique éminemment patriotique, pour implanter des Universités à la fine pointe de la technologie en Haïti. La voie du progrès et du développement. Il se bat pour que notre pays ne soit pas toujours à la traine des pays technologiquement avancés. Et pour cela, il faut des chaires de recherche, des professeurs compétents, une volonté politique pour certains financements…Mais de la coupe aux lèvres, grande est la distance. Retenons en passant, si cela peut renforcer notre courage, que sur la terre comme dans l’univers, les grandes noirceurs ne durent pas éternellement.

                           Oui, ils sont là des milliers, à l'extérieur comme à l'intérieur qui œuvrent dans des domaines divers pour extirper le pays des flots de tragédies qui l'entrainent vers l'abime. Tant que ces Grandes Âmes, souvent méconnues, ne baisseront pas les bras en disant: C'est fini; il n'y a plus rien à faire ; l’espoir subsistera. Et Haïti vivra. Mais bien plus encore, dans ces temps rêvés, notre pays planera loin, très loin du cercle infernal (des Pays Pauvres Très Endettés). Alors le cauchemar d'aujourd'hui ne sera plus qu'un vague souvenir.

Prof. Gérard Gène

ggerard327@gmail.com

Tél. 514-727-9068

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