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Félicitations aux héros

Depuis plus de deux mois, le peuple haïtien attend une enquête sur la mort du président Jovenel Moïse, assassiné chez lui, le 7 juillet 2021. Jusqu’à présent, aucun témoin oculaire de ce drame n’a été auditionné : l’ex-Première Dame Martine Moïse, les enfants, la servante, le gérant, les policiers etc. Or, le Premier ministre M. Ariel Henry crie haut et fort que les auteurs de ce crime crapuleux doivent être arrêtés et traînés en justice. Mais, au-delà des mots, il y a lieu de se poser la question : « Va-t-il vraiment passer de la parole aux actes ? » Examinons lucidement les faits.

           Beaucoup de commissaires du gouvernement ont refusé de se charger de ce dossier. Ce n’est pas sans raison. C’est un baril de poudre ; et les allumettes enflammées sont à deux pas. C’est alors qu’un téméraire qui n’a pas froid aux yeux se présente et dit : « Je l’accepte. » C’est le commissaire Bed-Ford Claude. Peut-être, voulait-il constater par lui-même la nature de la frayeur de tant d’avocats expérimentés ? La curiosité est la porte ouverte vers la connaissance. Eh bien ! Il n’a pas eu à attendre longtemps. Voulant démontrer sa détermination à mener cette enquête selon les règles de l’art, notre brave commissaire pose un geste concret. Vu que le Premier ministre a été en contact téléphonique avec l’un des présumés assassins du président, M. Joseph Félix Badio, dans la nuit même du meurtre, une demande de convocation lui fut envoyée pour une audition. On connaît la suite. Le ministre de la justice, M. Rockfeller Vincent et le secrétaire du Conseil des ministres M. Rénald Lubérice sont révoqués. Quant au commissaire M. Bed-Ford Claude, il a été contraint de donner sa démission. Les menaces pleuvaient, et aucune protection policière. Ainsi, tout entêtement aurait été suicidaire.

          Or, ce qui est troublant dans cette affaire, c’est que le Premier ministre s’est mis lui-même dans l’embarras. Il avait déclaré dans un premier temps qu’il n’a jamais été en contact avec Joseph Félix Badio. Plus tard, confronté à l’évidence, il prétend alors ne pas se souvenir des sujets abordés avec cet individu, dans la nuit même du meurtre du Président. Il est comme frappé subitement d’amnésie. Étrange. Mais la question qui s’impose maintenant est celle-ci. Ce nouveau commissaire qui vient d’être nommé, M. Frantz Louis Juste, soutiendra-t-il les mêmes exigences que son prédécesseur ? J’en doute, car tout autorise à penser qu’il sera lui aussi rapidement révoqué, s’il refuse de réorienter l’enquête pour noyer le poisson. De son côté, Ariel Henry, avec cette épée de Damoclès suspendue sur sa tête, où puisera-t-il la force morale nécessaire et des provisions constitutionnelles adéquates, pour garder sa crédibilité et sa légitimité aux yeux du peuple haïtien ? La réponse est loin d’être évidente.

          De plus, en tant que médecin, s’il viendrait à être arrêté, jugé, et condamné pour complicité de meurtre, est-ce que cela entrainerait une ombre quelconque sur la profession ? Nullement. L’auteur d’un méfait doit porter seul sa croix infamante, jusqu’à son dernier soupir. La science permet les erreurs, mais elle ne permet pas à un individu, si brillant soit-il, de la sacrifier dans les tourmentes de la politique ou dans les eaux troubles des magouilles innommables. La politique corrompt, dit-on. Je dirai plutôt que la politique corrompt souvent, mais pas toujours. Pourquoi ? Parce que cette même politique peut transformer un humain en un véritable géant supra-dimensionnel, qui transcende l’espace et le temps, pour en faire un héros universellement admiré. L’Histoire nous offre ces phénoménales figures mythiques, qui comblent d’aise l’humanité entière. De tout temps, leurs exploits incroyables frisent la légende. Ils font la fierté du genre humain.

           Dans une moindre mesure, les citoyens remarquables qui se dressent contre l’arbitraire, ou tout ce qui est de nature à affecter les membres d’une collectivité, devraient tout autant bénéficier de l’estime de tous. Dans cette optique, je présente toutes mes félicitations à M. Rockfeller Vincent, M. Rénald Lubérice et M. Bed-Ford Claude. Vous venez de perdre votre emploi pour la défense de la justice, mais en même temps, vous avez sauvez votre honneur et sans doute votre vie. Votre acte héroïque soulève l’estime de tous les vrais patriotes. L’Histoire se chargera d’inscrire vos noms dans la mémoire collective à jamais.

           L’ex-président de l’Afrique du Sud, Jacob Zuma, a été condamné à 15 mois de prison pour outrage à la justice. Il avait refusé de comparaître devant une commission d’enquête sur la corruption d’État sous sa présidence 2009-2018. Aujourd’hui, Ariel Henry devrait réfléchir sur cette éventualité, car il existe quelques pépites d’or dans le système juridique haïtien. Une telle certitude engendre l’espoir, et nous porte à apprécier davantage les douloureux sacrifices librement consentis de ces valeureux compatriotes. Le mensonge peut courir longtemps, dit-on, mais la vérité le rattrape en un jour.

Prof. Gérard Gène

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